Nice, envoyée spéciale
Le matelas gonflable bleu turquoise est debout, posé contre une grille. Sur le trottoir, son propriétaire semble attendre quelqu’un pour aller se baigner. Scène banale dans une cité balnéaire, sauf que nous sommes le 17 juillet, à Nice. La grille délimite l’entrée du CUM, ce bâtiment universitaire de la promenade des Anglais transformé en centre d’accueil des victimes. Anne et Olivier s’y étaient rendus vendredi matin. À gauche, une jeune femme à la mine défaite quitte le centre, soutenue par un homme qui porte un bouquet de fleurs. Deux bénévoles de la Croix-Rouge les regardent partir, à deux mètres du matelas gonflable bleu turquoise.
Le café, il est pour moi.
Il y a trois jours que Mohamed Lahouaiej Bouhlel, au volant d’un camion de 19 tonnes, a foncé dans la foule. Mais à part les visages rougis, les fleurs et les déclarations politiques à l’emporte-pièce, l’ambiance post-14 juillet, à Nice, n’a pas grand-chose de commun avec celle qui plombait Paris, après le 13 Novembre. La vie a continué. Commerçante, tapageuse, estivale. Personne n’a peur d’aller s’asseoir en terrasse après la plage, pour se reposer du soleil insolent. Pas même cette femme brune toute seule, qui pleure derrière ses lunettes de soleil. La serveuse lui passe une main légère sur l’épaule : Le café, il est pour moi.

Il pourrait ne s’être rien passé. D’accord, un meurtrier de masse, un terroriste islamiste semble-t-il, a tué 84 personnes. Mais contrairement à Paris l’an dernier, l’hypothèse d’une « réplique » immédiate, au même endroit, n’a pas paralysé les rues. Seules quelques affichettes préviennent sur des façades : En raison de l’attentat qui a endeuillé la ville, l’ensemble du réseau de la bibliothèque municipale de Nice sera fermé jusqu’au lundi 18 juillet.
Samedi devant l’hôtel de ville, les familles des mariés s’embrassent et youyoutent sans crainte, quelques minutes avant l’hommage de Christian Estrosi aux policiers municipaux. Les magasins du centre-ville accueillent les clients des soldes. Même les CRS arpentent le bord de mer d’un air plutôt détendu.

La zone de deuil se borne à ces deux kilomètres de « Prom’ », ainsi qu’ici on appelle la promenade des Anglais où le tueur a fauché ses victimes avec vue sur la Méditerranée. Un espace bien délimité et relativement réduit dans Nice, où des milliers de fleurs s’empilent, au croisement du littoral et des rues perpendiculaires qui conduisent au centre-ville. La mairie a ouvert un espace « officiel » de recueillement dans un jardin public.