Le lendemain de l’attentat qui a fait 84 morts, à Nice, un CRS papote avec deux collègues de la police judiciaire sur la promenade des Anglais. Hier, ils disaient qu’ils allaient lever l’état d’urgence et là… BAM.
Bam, en effet. Le gouvernement change d’avis sur le champ et annonce une quatrième prolongation de l’état d’urgence pour trois mois, avec la possibilité de recourir à nouveau aux perquisitions administratives. L’Assemblée nationale a adopté le texte ce mercredi matin.
On ne peut pas prolonger l’état d’urgence éternellement. Cela n’aurait aucun sens.
La déclaration télévisée de François Hollande, le 14 juillet, a pris un sérieux coup de vieux en douze heures. Le président de la République confirmait alors l’échéance prévue le 26 juillet, rappelée la veille par le ministre de la Justice. Et justifiait : On ne peut pas prolonger l’état d’urgence éternellement. Cela n’aurait aucun sens. Cela voudrait dire que nous ne serions plus une République avec un droit qui pourrait s’appliquer en toute circonstance.

Pas éternellement, mais jusqu’à quand alors ? Depuis le mois de mai, le gouvernement se montrait constant sur un point : une fois que la loi Urvoas contre la criminalité organisée et le terrorisme (lire l’épisode 30, « L’urgence pour tous ») serait entrée en vigueur, l’état d’urgence pourrait être levé. La dernière prolongation, moins longue – deux mois au lieu de trois – visait surtout à « couvrir » l’Euro de foot et le Tour de France le temps que la nouvelle loi s’applique. Assurer une continuité temporelle de la contrainte. Si les perquisitions administratives étaient passées de mode – plus de 3 500 ont eu lieu depuis novembre, principalement dans les premières semaines –, il reste une soixantaine d’assignés à résidence de l’état d’urgence sur lesquels le gouvernement voulait garder la main.
François Hollande restait d’ailleurs sur cette ligne le 14 juillet : Cet état d’urgence, j’ai considéré qu’il fallait le prolonger jusqu’au moment où nous puissions être sûrs que la loi pouvait nous donner des moyens nous permettant de prévenir la menace terroriste avec efficacité.
La loi est désormais en vigueur. L’état d’urgence ne sera pas levé pour autant.

L’alternative politique est relativement simple. Si l’état d’urgence s’arrête quelques jours après un attentat meurtrier, le gouvernement se fait cartonner par la droite, l’extrême droite et jusque dans son camp. S’il est levé et qu’un autre attentat a lieu ensuite, il se fait tout autant laminer.
[La tuerie] a eu lieu sous l’état d’urgence, dans la ville la plus vidéosurveillée de France.
Le gouvernement est complètement piégé, avec son consentement
, constate Laurence Blisson, du Syndicat de la magistrature.