Mi-janvier, un certain Jean-Jacques Urvoas mettait en garde ses collègues députés : Il faudra veiller à ce que les procédures gloutonnes existantes dans l’état d’urgence ne viennent pas dévorer le droit commun des libertés.
(lire l’épisode 19, « L’état d’urgence ne sert plus à rien ») C’est pourtant le même Urvoas qui bénit le festin cette semaine à l’Assemblée nationale. Aux côtés de Bernard Cazeneuve et Michel Sapin, ses collègues de l’Intérieur et des Finances, le désormais ministre de la Justice défend le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale
. Le texte doit être adopté en procédure accélérée, alors que l’état d’urgence a été reconduit quinze jours plus tôt (lire l’épisode 24, « État d’urgence : vous en reprendrez bien pour trois mois ? »).
Vendredi 26 février, le Défenseur des droits Jacques Toubon dressait un bilan très critique des trois mois écoulés : perquisitions musclées devant les enfants, assignations à résidence particulièrement pénalisantes
fondées sur des dénonciations calomnieuses, et autres comportements irrationnels
, comme des licenciements de salariés trop barbus. Opposant déclaré à ce projet de loi antiterroriste, Jacques Toubon a pris un certain plaisir à ressortir la pas-si-vieille-phrase du garde des Sceaux sur les procédures gloutonnes
, feignant la flagornerie : Je ne saurais mieux dire et j’espère que c’est encore son sentiment.
Sur un ton égal, Jacques Toubon a appelé les parlementaires comme le gouvernement à revenir à la raison
, au-delà de la peur
suscitée par les attentats de novembre. Il a prévu d’écrire aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat pour les enjoindre de rejeter un texte bourré de dispositions qui restreignent nos libertés durablement
et affaiblissent l’État de droit
.

Pourquoi tant d’ardeur ? Les partisans du projet de loi assurent qu’il va simplifier
la procédure pénale et rééquilibrer
les pouvoirs – entre le judiciaire et l’administratif d’un côté, le procureur et le juge d’instruction de l’autre. Confiant, le cabinet de Jean-Jacques Urvoas estime que l’ensemble des dispositions ne font pas polémique
. Sous-entendu : les critiques portent surtout sur la partie qui revient au ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. Il est vrai que les détracteurs du projet insistent surtout sur l’inflation de la police administrative, au détriment d’un juge d’instruction placardisé.