Pour notre premier rendez-vous, c’est moi qui avais fixé le lieu. J’avais choisi un café lumineux mais intime près de l’Hôtel de ville à Paris. Quand elle était arrivée, je l’avais surprise en train de vérifier l’emplacement des issues avant de s’installer en face de moi. Dans son pays, elle a vécu une décennie de terrorisme. Elle était enfant. Née à Alger il y a presque trente ans, elle est venue à Paris il y a quelques années pour construire une vie heureuse, une vie de liberté. Depuis les attentats de novembre, tout a basculé
. Là voilà rattrapée par des actes de terreur. Elle a retrouvé la sensation de l’effroi, un compagnon à l’odeur familière.
J’avais rencontré Nour une semaine auparavant par une amie commune. Nous étions quelques-uns, la conversation de départ qui portait sur le mariage pour tous avait glissé vers les attentats et le quartier du Bataclan où je vis (lire l’épisode 1, « Vendredi ou la nuit sauvage »). Nour, elle, habitait à Bastille, dans le XIe arrondissement, à quelques minutes de là. Elle avait déménagé très vite après le 13 novembre. À ce dîner, elle avait lâché des bribes de confidences. Ni ses yeux en amande ni son visage lisse ni sa bouche maquillée ne trahissaient ses tourments, mais j’avais senti (reconnu ?) une peur souterraine, profonde. Je lui avais proposé qu’on se revoie. Nour est le prénom qu’elle s’est choisi pour témoigner.
Après les attentats du vendredi 13 novembre, Nour s’est terrée.