Vu du Parlement, l’état d’urgence peut bien durer trois ou quatre mois de plus, c’est une formalité. Mais pour Vincent et Brahim , assignés à résidence à Aubervilliers et à Échirolles, la situation s’annonce un peu plus compliquée.
L’arrêté qui les oblige depuis plus de deux mois à pointer trois fois par jour et à rentrer chez eux à 20 heures ne mentionne aucune date de fin. Dès le premier jour, Brahim s’en était inquiété et avait demandé à la police combien de temps il devrait venir. Ils ne savaient pas. J’ai dit à la commissaire : “Je vais divorcer, je vais perdre mon boulot et je vais devenir SDF, comment ça se passe ?”
Au début, optimistes, les assignés espéraient que le ministère de l’Intérieur lèverait la mesure de lui-même, ou que le tribunal administratif s’en chargerait bientôt. Au bout de quelques semaines, ils se sont faits à l’idée qu’ils resteraient coincés jusqu’à la fin de l’état d’urgence, prévue le 25 février à minuit. Aujourd’hui, ils comprennent que la privation de liberté pourrait durer beaucoup plus longtemps.
Y a pire sur Terre, mais ça devient chiant.
Quelque part, ils s’habituent. A force, je connais les flics, leurs prénoms, on se voit tous les jours
, glisse Vincent, blasé. Ils voient que je suis pas méchant.
Lorsque, fin janvier, le gouvernement a laissé entendre qu’il voulait remettre le couvert pour trois mois, nous avions rappelé Vincent. Il était encore optimiste et pas très au fait : C’est pas encore renouvelé je crois, si ?
Mais au fil de la conversation, il comprend que le Parlement donnera son accord pour la prolongation de l’état d’urgence.