Quinze jours après les attentats de Paris. Quinze kilomètres à l’est des scènes de massacres. Une centaine de personnes sont rassemblées pour la soirée à la mosquée de Montfermeil, en Seine-Saint-Denis. A l’appel de l’Association cultuelle des musulmans de Montfermeil (Ascem), elles sont venues échanger sur ce qu’il s’est passé. Parler ensemble de ce moment où eux, Français musulmans, ont le sentiment d’être placés dans une inconfortable position. Il y a là un échantillon de la communauté musulmane de cette ville de 26000 habitants. De l’ado au vieillard. Certains portent un vêtement religieux, d’autres non. Les hommes sont majoritaires. Les femmes assises au fond, comme habituellement à la mosquée. Sur la rangée de chaises face à l’assistance, les responsables de la mosquée, les imams, le maire démocrate-chrétien Xavier Lemoine, le prêtre de la paroisse locale. Le président du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) Samy Debah fera un passage, il est très sollicité en cette période. Farid Kachour, le secrétaire général de l’association de la mosquée, à l’origine de la soirée, a ressenti comme une urgence à se parler
.
La bâche qui fait office de mur et de toit à la salle de prière claque à chaque bourrasque de vent et un courant d’air glacial vient régulièrement balayer le sol. Mais personne ne semble y prendre garde. L’atmosphère est lourde. Dans la bouche de celles et ceux qui prennent la parole, revient sans arrêt le mot peur
. Une peur mêlée et parfois confuse. Celle des attentats, de la violence aveugle et absolue. Celle de l’islamophobie qu’ils ressentent soudain de façon plus aigüe. Ces regards appuyés, accusateurs parfois, ces remarques face à un voile, une barbe, ou juste un faciès qui les étiquette « musulmans ».
Je me sens obligée de sourire à des gens que je connais pas, à aller voir les voisins, plus pour les rassurer. Pour montrer que je suis quelqu’un de bienveillant.
Parfois, il ne se passe rien. Mais, racontent plusieurs personnes, nous ressentons un malaise
, l’impression d’avoir à se justifier
dans le quotidien, avec ses collègues, ses amis. Je me sens obligée de sourire à des gens que je connais pas, à aller voir les voisins, plus pour les rassurer. Pour montrer que je suis quelqu’un de bienveillant. Je sais que c’est idiot
, dit une femme. Un homme, lui, estime normal que les gens aient peur. Il faut leur montrer qu’on n’a rien à voir avec ça. Oui, il faut leur sourire.
L’assemblée est divisée sur cette assignation à rassurer. Un autre encore raconte une scène dans un centre commercial où, avec sa femme, qui porte le hijab, ils ont eu peur
, dit-il.