Jeudi 19 novembre, moins d’une semaine après les attentats, les députés doivent voter le prolongement de l’état d’urgence pour trois mois. Lorsqu’elle arrive à l’Assemblée nationale ce matin-là, Barbara Romagnan est convaincue mais pas tout à fait décidée. Elle voit beaucoup de députés réservés
approuver la réforme à contre-cœur. La députée socialiste du Doubs votera non. Ils seront seulement six dont trois socialistes à voter contre. Depuis, elle se sent plus à l’aise
avec elle-même.
Je ne mesurais pas à quel point c’était justifié d’être inquiète.
Le soir des attentats, Barbara Romagnan est chez elle, à Besançon. Elle se sent tout de suite très inquiète
de la réponse politique qui va suivre. Elle pense aussitôt : Il ne fait pas bon avoir une tête d’Arabe.
Je ne mesurais pas à quel point c’était justifié d’être inquiète
, confiera–t-elle quelques jours plus tard. Elle laisse passer les premières heures d’effroi et demeure silencieuse, tout en cherchant quelle parole politique délivrer.
Quand, le lundi, elle assiste à la déclaration de François Hollande devant le Parlement, où il détaille les mesures d’exceptions soumises aux députés, elle se dit d’abord qu’elle peut comprendre ce ton guerrier. Cela peut contribuer à rassurer les gens, même si c’est illusoire. Même si je suis méfiante là-dessus, je me dis que, peut-être, cela a un effet utile.
Mais cette rhétorique est aussi une façon d’empêcher le débat
, pense-t-elle. Elle est déjà très réservée
, sur le maintien de l’état d’urgence, et profondément révoltée par la proposition de déchoir de la nationalité française les terroristes. Elle imagine alors que cette réaction est très partagée
. Ce n’est pas le cas. Alors qu’elle se débat intérieurement, elle se rend compte qu’autour d’elle, les élus socialistes dont elle se sent proche s’apprêtent à endosser la demande du président. Je contre-argumentais, j’exprimais des réserves, sans dire que j’étais contre.
Pendant deux nuits, elle dort mal, peu.
Davantage qu’à l’état d’urgence, elle est hostile aux mesures proposées dans le package de Hollande et en premier lieu la déchéance de nationalité, dont elle conteste la moralité et l’efficacité. Par exemple, à ses yeux, les perquisitions administratives, au-delà de la question du respect des libertés publiques, risquent de s’avérer contre-productives en déployant et dispersant un peu partout les forces de l’ordre, et en créant un ressentiment
dans la population.
Décider de voter contre la prolongation de l’état d’urgence quelques jours après des attentats qui ont fait 130 morts n’est pas aisé.