Lundi 16 novembre, troisième matin après les attentats de Paris et Saint-Denis, 7h50. Revenu la veille de Quimper où il a appris la nouvelle, Jean-Jacques Urvoas, député PS du Finistère, président de la commission des lois et rapporteur de la loi sur l’état d’urgence, va au charbon médiatique. Très demandé, il offre sa première interview post-attentats à Léa Salamé sur France Inter, avant de filer en moto-taxi chez Jean-Jacques Bourdin sur RMC.
En quelques années, Urvoas est devenu l’homme qui définit la politique sécuritaire de la gauche. Non sans une certaine ambivalence. Opposant chevronné au tout-sécuritaire sarkozyste au nom des libertés, il incarne sous Hollande la conversion du Parti socialiste à l’idée que la sécurité est la première des libertés
– une phrase utilisée aussi bien par le Front national que par Manuel Valls, qu’Urvoas avait lui-même rejetée sur son blog en 2010.
Mais ce matin-là sur les radios, c’est encore à Nicolas Sarkozy qu’il donne la réplique. Pour quelques minutes, Jean-Jacques Urvoas remet son costume du quinquennat précédent : celui de « monsieur sécurité » de l’opposition, toujours prompt à balancer un communiqué contre la politique du gouvernement Fillon, son penchant pour le fichage, ses coupes dans les effectifs de police, ses mesures démagogiques
et sa culture du chiffre. La veille au soir, sur TF1, l’ancien président de la République demandait à ce que les personnes fichées S soient placées en résidence surveillée avec un bracelet électronique
. Urvoas lui fait la leçon – de logique et de droit : Les personnes avec une fiche S ne savent pas qu’elles sont fichées
, et ces fiches ne sont pas encore des preuves
judiciaires.
Lorsque Martine Aubry nomme le député secrétaire national du PS à la sécurité en mars 2009, elle espère racheter la réputation de naïveté
qui colle à la gauche sur ces questions. Malgré son titre de maître de conférences en droit public, Jean-Jacques Urvoas confesse alors qu’il n’y connaît rien. Mais il bûche. Le strauss-kahnien lit tout ce qui lui tombe sous la main, réagit à l’actualité, donne des interviews.
En bon étudiant, il écrit pour digérer ce qu’il apprend et fournir des armes à ses camarades. En trois ans, il multiplie les notes pour le compte de la Fondation Jean-Jaurès et du think tank Terra Nova, deux satellites rocardiens du Parti socialiste.