Avec Sophie, on reste en lien. C’est ça, on est liées. On ne se voit pas beaucoup mais nos rendez-vous sont réguliers. On se rencontre toujours dans le quartier, souvent au Baromètre, un café à proximité du Bataclan, comme si on avait besoin de ce décor. On prend des nouvelles l’une de l’autre et nos échanges, même quand ils sont rapides, débordent la simple politesse. La dernière fois, elle m’envoie un texto : En thérapie au Baromètre, tes deux volets clos me chagrinent. J’espère que ça va. On se voit cette semaine ?
Sophie habite dans le XIe arrondissement, à Paris. Elle était en terrasse au café du Bataclan le 13 Novembre, quand les terroristes ont attaqué. Je le racontais dans l’épisode 8.
Je ne les guette pas, mais je suis sensible à ses frémissements, presque imperceptibles. Son visage lisse n’est pas torturé, elle ne tremble pas lorsqu’elle se confie. Elle se raconte mais elle n’est jamais emphatique. J’aime sa parcimonie. Il y a des petites victoires et des à-coups dans sa vie d’après.
Je me sentais en décalage avec les gens.
En décembre, Sophie est retournée à un concert. C’était Bertrand Belin, un chanteur dont elle est amoureuse
et qu’elle a déjà vu plusieurs fois. Elle avait pris ses places en juillet, avec une copine. Le concert devait avoir lieu au Bataclan. Il est donné au Trianon, une salle du XVIIIe arrondissement. Elle s’est un peu forcée pour y aller.