Brigitte Baudelot est institutrice en CM2 dans une école située à mi-chemin entre Charlie Hebdo et le Bataclan, dans l’est de Paris. Il y a un an, l’attaque de l’hebdomadaire satirique, qui a fait 12 morts, s’était déroulée un mercredi vers 11h 30, l’heure de la sortie d’école. Des nounous affolées avaient prévenu que ça tirait sur le boulevard Richard-Lenoir et qu’il ne fallait pas passer par là. Les enfants qui restaient à la cantine et au centre aéré le mercredi après-midi avaient été regroupés, sans rien comprendre, et l’école fermée jusqu’au milieu de l’après-midi. Les enseignants avaient quant à eux déjà quitté les lieux.

Brigitte Baudelot est la maîtresse de mon fils. L’an dernier, elle avait les mêmes élèves, qu’elle a gardés pour leur dernière année de primaire. Avec eux, elle avait déjà « partagé » les attentats de Charlie. Le lendemain, elle avait préparé des caricatures datant de la Révolution française pour expliquer ce qu’est la liberté de la presse, et comment, au fil des siècles, des gens sont morts pour la conquérir. Mon rôle d’enseignante était de transmettre. Pas de rassurer les élèves. Ils n’étaient pas visés
, explique-t-elle aujourd’hui. Mais en novembre, la jeunesse était dans la rue, au concert. Et la jeunesse, c’est eux.
En orthographe, on a le dictionnaire, le “Bescherelle” ; internet pour vérifier des informations en histoire ou en géo. Mais là ?
Lors des attentats du 13 Novembre, elle a eu une sensation horrible de déjà-vu
. Comme après Charlie, elle a fait ce qu’elle sait faire : de la pédagogie. Sur une matière qui n’était pas au programme. Elle a cherché des outils sur lesquels s’appuyer. En orthographe, on a le dictionnaire, le Bescherelle ; internet pour vérifier des informations en histoire ou en géo. Mais là ?

Elle a eu peur de ne pas trouver les mots face aux armes, au quartier meurtri, aux corps aperçus, aux explosions entendues
. Comme l’an dernier, elle a préféré proposer des images, mais rien de sanglant
. Une Marianne qui pleure, un dessin de la tour Eiffel, un drapeau en berne. Comme on se connaît bien et qu’on a vécu quelque chose de fort l’année dernière, très vite on a parlé, les élèves et moi ; la confiance est là. Ils savent que je donne la parole, on ne se moque pas, on accueille toutes les idées.
Elle a essayé de sortir de l’émotion tout en la respectant. Et s’est réjouie quand elle a vu les enfants écrire spontanément au tableau des mots de vocabulaire, comme ils en ont l’habitude, en se plaçant d’office dans une logique d’apprentissage. « Drapeau », « fraternité », « deuil », « état d’urgence ».
Ça va recommencer ?
Après les attentats de janvier 2015, une psychologue avait été dépêchée dans l’école.