Aux urgences de l’hôpital Delafontaine, la grève a commencé le 6 juin. Dès notre première visite le 3 juillet, avec la photographe Claire Delfino, on en guettait les signes tangibles : une banderole devant l’entrée, des affichettes sur les portes et dans les couloirs, des bandeaux « en grève » sur les tenues des infirmières (lire l’épisode 1, « “Les Jours” se réveillent aux urgences »). Est-ce qu’elles sont payées quand même ? Et qu’est-ce que ça veut dire, la grève, dans un service où tout le monde continue à travailler ? « Continuité des soins » oblige, le mouvement perturbe assez peu la prise en charge des patients. Il reçoit toutefois un soutien unanime. Toute l’équipe espère que les conditions de travail et d’accueil s’améliorent. En revanche, elle est divisée sur les méthodes d’action. Selon la position dans l’organigramme, la sensibilité, l’affiliation syndicale, les préférences tactiques varient.
La grève, qui vise notamment à obtenir des hausses de salaires, des postes supplémentaires et un moratoire sur les fermetures de lits, est partie de l’hôpital Saint-Antoine à Paris, en mars. Elle concerne quasi-exclusivement le personnel paramédical

À Saint-Denis, chacun de nos interlocuteurs a l’impression de donner son maximum. Ces deux dernières semaines, un certain épuisement s’est fait sentir. Symptôme de la « crise » ou poursuite de la grève par d’autres moyens, plusieurs soignants sont partis en arrêt maladie à quelques jours d’intervalle. « On tombe comme des mouches », commentait Yasmina début août, quelques jours avant de se mettre elle-même en arrêt. Des remplacements ont dû s’organiser au pied levé.
Vendredi 9 août en fin de matinée, une interne glisse, sur le ton de la confidence : « Il y a plein d’infirmières qui manquent ces jours-ci, des médecins aussi. Sale ambiance… » Manuel, infirmier espagnol en CDD depuis six mois à Delafontaine, sort de l’IOA (infirmière d’orientation et d’accueil) crevé et en colère.