Chignon brun de danseuse, Lynda affiche un grand sourire quand elle passe la porte d’entrée vitrée de l’Usap, l’Unité spécialisée dans l’accompagnement du psychotraumatisme, pour venir à sa séance hebdomadaire avec la psychologue Fatima Le Griguer-Atig. La jeune femme de 33 ans est suivie ici depuis plus de deux ans. Lynda est une survivante. Elle a échappé à une tentative de féminicide.
En décembre 2017, elle arrive « presque morte » au service d’accueil des urgences de l’hôpital Robert-Ballanger, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), qui héberge l’Usap. Elle vient de recevoir de multiples coups de pied de son conjoint. Son pronostic vital est engagé. « J’étais en pleine hémorragie. J’ai senti que les médecins pensaient que j’allais perdre la vie devant eux. » Lynda est alors transférée dans un autre hôpital, Jean-Verdier à Bondy, pour subir une embolisation (une intervention visant à traiter les hémorragies) du rein avant de revenir à Robert-Ballanger. Les hôpitaux lui sont alors malheureusement familiers : en cinq ans de vie commune avec son mari, elle a fini une dizaine de fois aux urgences. « J’ai subi cinq ans de sévices, mais ce jour-là, je me suis dit : “La prochaine fois, il va me tuer.” »
J’ai une hernie discale, une prothèse, je n’ai plus de disque cervical, j’ai dû avoir recours à la chirurgie reconstructrice au niveau de la mâchoire… Avant, j’étais belle.
Arrivée à l’hôpital, Lynda, mère de trois enfants, ne pense pas à déposer plainte mais à survivre. En novembre 2016, elle a déjà porté plainte et cela l’a plus « desservie qu’autre chose ». Pourtant, son mari a été condamné, le 10 octobre 2017, par le tribunal correctionnel de Bobigny à trois mois d’emprisonnement avec sursis, assortis une mise à l’épreuve de deux ans. Mais rien n’y fait. Les violences psychologiques, physiques et économiques ne cessent pas. « La première fois, quand il est sorti de garde à vue, il m’a fait comprendre qu’il allait se soigner, qu’il était conscient de sa violence. J’y ai cru, mais ça a duré quinze jours, déplore-t-elle. Quand on aime, on s’aveugle : mais ce n’est pas l’amour qui rend aveugle, c’est nous qui nous aveuglons. Je ne regardais même plus ma propre souffrance. Comme je n’ai pas eu de papa, je me disais que j’avais besoin d’un papa pour mes enfants. J’ai vécu une enfance maltraitée, de l’inceste, l’abandon de mes parents… J’essayais de rabibocher le puzzle de ma vie pour que mes enfants n’en pâtissent pas. » Son mari la séquestre alors, lui martèle qu’elle est folle, qu’elle l’a trahi en déposant plainte…

Durant cette dernière année de vie commune, comme la justice ne semble pas pouvoir stopper son époux, elle ne voit plus qu’une solution : fuir.