La « war room » qui permet de servir des centaines de repas par jour aux migrants errant à Vintimille (Italie) est sise chez le dénommé « Pakerette », à une heure de route en remontant la vallée franco-italienne de la Roya. À Saorge (côté français), joli village perché à flanc de montagne, le sieur Pakerette, ou « Don Pakito » pour les intimes, siège face à son ordi d’où il dirige la manœuvre pour l’association Roya citoyenne. Depuis sa salle à manger, il coordonne les équipes de bénévoles qui viennent du Var ou des Alpes-Maritimes pour les maraudes quotidiennes en Italie, gère les achats et réceptionne les dons. Sans ce travail, les exilés qui patientent en Italie en espérant passer en France auraient le ventre vide. Cette organisation permettait de préparer jusqu’à peu 700 repas quotidiens, mais comme le nombre de migrants a récemment baissé, ils sont passés à 400. « Si on veut continuer sur la durée, commente Pakerette, il faut être raisonnable. »
Le bras armé du dispositif est situé à Sospel, dans la vallée voisine de la Bévéra, où les bénévoles de la Kesha Niya se sont installés depuis avril dernier, montant une cuisine avec des palettes, une bâche, quatre gros brûleurs à gaz et d’énormes casseroles. Comme la Kesha Niya réalisait auparavant les repas au camp officiel de Grande-Synthe (Nord) et que ses membres sont parfois de grands blonds marchant pieds nus, la troupe a acquis le surnom de « Vikings ». Chaque soir, ces combattants pacifiques descendent en camionnette de Sospel, traversent la frontière et débarquent à Vintimille une petite heure plus tard avec de gros chaudrons sur le parking face au cimetière, dans le quartier de Roverino où les migrants vivent sous la quatre voies (lire l’épisode 6, « De l’autre côté de la Roya, juste avant la frontière »), et le ballet se met en place pour la distribution. Les uns déroulent des tapis, les autres installent un cordon pour organiser la queue. Une dizaine de migrants en gilets jaunes font le service d’ordre sous le regard des carabiniers. Puis on remplit les assiettes jetables, généralement avec du riz-légumes, de la salade, un fruit, du pain, et les exilés reviennent une fois, voire deux, en fonction du rab.
Jeudi dernier, on retrouve au Bar du marché à Sospel quelques Vikings descendus de la colline où ils ont planté leur grande tente militaire chez un agriculteur.