Relaxé au tribunal en janvier, condamné en appel en septembre. L’affaire a été vite pliée, lundi 11 septembre, lors de l’énoncé de la décision par la cour d’Aix-en-Provence. Et Pierre-Alain Mannoni, un grand échalas en jean et T-shirt, en était tout secoué, « surpris » de se prendre deux mois de prison avec sursis pour avoir « facilité la circulation et le séjour d’étrangers en situation irrégulière ». L’enseignant-chercheur à la faculté de Nice-Sophia-Antipolis croyait pourtant avoir tout bien fait. « C’était une obligation naturelle, expliquait-il après le prononcé de l’arrêt. Je ne peux pas accepter que la justice condamne un geste d’humanité. Il y a un truc qui ne colle pas. » 100 à 200 personnes venues le soutenir, le chercheur avoue, micro en main, dans la rue, devant la cour : « Je suis assez abattu. Mais je ne regrette pas mon geste. » Le public crie : « Bravo ! Vos enfants sont fiers de vous ! Et nous aussi ! » Il demande : « Quel signal donne-t-on aux Français ? Ce jugement m’inquiète. Mais il ne faut pas lâcher le morceau. »
Mauvaise semaine, une nouvelle fois, pour les habitants de la vallée de Roya qui viennent en aide aux migrants. Mardi, au lendemain de la condamnation de Pierre-Alain Mannoni, Cédric Herrou, figure de ces « aidants de la Roya », a été une nouvelle fois placé en garde à vue, et son domicile a été perquisitionné. Selon les associations, cela fait suite à la plainte d’un passeur qu’Herrou avait dénoncé à la gendarmerie (lire l’épisode 4 où l’agriculteur raconte pourquoi). Dans ce coin du Sud-Est de la France, l’application de la loi est devenue ces derniers temps ubuesque et incompréhensible.
Le 19 octobre 2016, à 4 h 45 du matin, Pierre-Alain Mannoni est contrôlé au péage de La Turbie (Alpes-Maritimes) avec trois jeunes Érythréennes dans son véhicule, dont une mineure, qu’il comptait héberger chez lui. Il les a prises en charge dans une ancienne colonie de la SNCF à Saint-Dalmas-de-Tende, où l’association Roya citoyenne les a conduites (lire l’épisode 4, « Herrou malgré lui »). Les trois Érythréennes sont « apeurées, fatiguées, frigorifiées », mais l’argument ne porte pas et le parquet renvoie Pierre-Alain Mannoni en correctionnelle. En première instance, le 6 janvier 2017, le tribunal de Nice le relaxe en lui accordant « l’immunité humanitaire » prévue par la loi, estimant que son acte visait à « préserver leur dignité et leur assurer une sécurité matérielle propice au maintien de leur intégrité physique ».