«Monsieur le Premier ministre,
Depuis plusieurs semaines, nous, sociétés de journalistes et de rédacteurs de la presse nationale, régionale, de l’audiovisuel et du web, n’avons eu de cesse d’alerter
Ce diagnostic rejoint celui de sociétés de réalisateurs, d’associations de défense des droits humains, d’autorités administratives indépendantes, et de trois rapporteurs spéciaux des Nations unies. La Commission européenne elle-même s’en inquiète.
Même amendée, cette disposition, qui vise à pénaliser la diffusion de l’image de membres des forces de l’ordre si elle a pour “but manifeste qu’il soit porté atteinte à [leur] intégrité physique ou psychique”, est dangereuse. Elle laisse augurer, en amont des magistrats, des interpellations préventives
Cela alors que, dans le même temps, l’article 21 prévoit que les enregistrements des caméras piétons des forces de l’ordre puissent être diffusés aux fins d’“information du public” : d’un côté, donc, l’entrave à la liberté d’informer, de l’autre un récit à la discrétion des autorités. Quant à l’article 22, qui généralise l’autorisation des drones, il ouvre la porte à une surveillance massive et invisible, notamment des manifestations.
Filmer ou photographier les policiers et les gendarmes en intervention dans l’espace public est un droit démocratique. Ce sont bien les vidéos exposant les violences commises par des membres des forces de l’ordre
Nos inquiétudes sont d’autant plus vives qu’en septembre le nouveau “Schéma national du maintien de l’ordre” est venu aggraver la dégradation, déjà importante, de nos conditions de travail dans la couverture des manifestations. Sous couvert de “rappeler” que “le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après sommation ne comporte aucune exception”, ce texte est en réalité un feu vert donné par le ministère de l’Intérieur aux forces de l’ordre pour empêcher les journalistes de rendre compte pleinement des rassemblements jusque dans leurs dispersions. Les événements survenus lundi soir, qui ont vu des reporters eux aussi molestés, en sont l’amère illustration.
Monsieur le Premier ministre, la liberté de la presse et la liberté d’informer sont mises à mal en France. Vous aviez accepté d’entendre à ce sujet, ce jeudi, des représentants de la profession. La décision du préfet de police de Paris d’interdire le parcours de la “Marche des libertés” prévue samedi dans la capitale, attentant à une autre liberté fondamentale, celle de manifester, nous a conduits, à l’instar des syndicats de journalistes, à décliner cette invitation. Nous vous le disons ici solennellement : il y a urgence à sortir de cette spirale délétère pour la démocratie.
Nous demandons le retrait de l’article 24, ainsi que des articles 21 et 22, du projet de loi “pour une sécurité globale”, et la réécriture du Schéma national du maintien de l’ordre dans un dialogue véritable avec les journalistes. »