Entre l’obscur dossier d’un jeune adulte contre qui sa mère a porté plainte parce qu’il a mis le feu à sa chambre et celui d’un conducteur ivre qui a percuté à 140 km/h une Kangoo avant de ricocher contre un bus, il y a l’affaire de cet artisan à l’air mal assuré. Ce vendredi de janvier, il avance d’un pas lourd vers la barre lorsque son nom retentit dans la 16e chambre correctionnelle du tribunal de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Face à cet homme né en 1976, il y a son épouse, le regard fixe. L’an passé, elle a porté plainte contre lui pour « des coups de poing, de pied, des claques ». Il est poursuivi pour « violences habituelles commises par conjoint ». « Habituelles», parce qu’elles durent depuis dix-sept ans, affirme sa femme. Lui reconnaît la majeure partie des faits, même s’il tournicote, nuance et baisse la tête quand les actes reprochés semblent particulièrement graves.
« Combien de fois avez vous exercé des violences contre votre femme ? », demande le juge. « Pas autant qu’elle le dit, tente le prévenu. Peut-être deux fois par semaine. » « Ça fait cent fois par an pendant dix-sept ans, ça fait beaucoup, calcule le magistrat. Vous l’auriez aussi frappée si vous n’obteniez pas de faveur sexuelle. Pourquoi êtes vous violent avec votre femme ? » L’homme argue vaguement de désaccords sur la tenue du foyer, de soucis au travail, de quelques disputes. « Il y a des disputes dans tous les couples. Le problème, c’est quand la dispute se transforme en délit, coupe le juge. On a tous des problèmes au travail. Si tout le monde faisait comme vous, la France entière serait au tribunal. » À l’issue du délibéré, le mari est condamné à une peine de dix mois d’emprisonnement avec sursis, doublée d’une interdiction d’entrer en contact avec sa femme pendant deux ans. Dans la foulée, c’est au tour d’un costaud de 30 ans, sourcils froncés et air bourru, d’écoper de six mois de prison avec sursis, reconnu coupable d’avoir frappé sa compagne dans la rue en septembre 2023. Lui a tout nié lors de l’audience, avant de reconnaître l’avoir « peut-être tirée un peu violemment de la voiture ». Tout en précisant : « Faut voir comment elle parle aussi, elle me manque de respect. »
À travers tout le pays, de tels dossiers de violences conjugales sont jugés tous les jours, plusieurs fois par jour. Ils concernent tous les milieux sociaux, tous les corps de métiers, toutes les nationalités.