C’est ce que l’on appelle un syllogisme. Les parents d’une victime de féminicide peuvent engager la responsabilité de l’État pour fautes lourdes dues au fonctionnement défectueux du service public de la justice si leur fille était usagère de ce dernier. Elle ne l’était pas si sa plainte contre son compagnon ou ex n’a pas été enregistrée. Et si elle n’est pas usagère de ce service public, ses parents ne peuvent donc pas engager la responsabilité de l’État. CQFD. Qu’importe tout le reste. Qu’importe que la victime ait appelé en vain le commissariat, qu’importe qu’elle y soit allée dans la foulée, qu’importe qu’on lui ait dit de revenir le jour suivant.
Et qu’importe manifestement, découvrent les parents de Sofya Rudeshko, que leur fille ait finalement été assassinée dans la nuit du lendemain, le 23 octobre 2021, par Christophe Bernadet, son ex-compagnon. Parce ce que ce syllogisme froid, Svetlana Rudeshko et Philippe Proux, la mère et le beau-père de la jeune femme, l’ont pris en pleine figure lorsqu’il a été soulevé par le ministère public dans la procédure qui les oppose à l’État, qu’ils assignent en responsabilité pour fautes lourdes, ainsi que Les Jours l’ont révélé (lire l’épisode 3 de la série Assassinées, « Sofya Rudeshko, un féminicide et des circonstances accablantes »). Le ministère public estime ainsi dans ses conclusions que, puisque leur fille n’a pas porté plainte, ils ne devraient pas être admis à engager cette action.