Dans la voiture-balai

La camionnette ferme la marche du Tour de France, suivant le dernier coureur encore en lice, parfois avec plus de 45 minutes de retard sur les premiers. La voiture-balai, connue aussi comme « camion-balai », est inaugurée en 1910 pour « balayer » les tricheurs, qui avaient coutume de rallier l’arrivée en train… Depuis, elle balaye aussi les fatigués, les blessés, les malades. Sitôt installé sur la banquette, le coureur est considéré comme ayant abandonné. Autrefois plein à craquer les jours de canicule, d’orage ou de montagne excessivement hostile, le « balai » est toujours magique. Quoi que les concurrents préfèrent aujourd’hui se réfugier dans les voitures de leurs équipes, derrière des vitres teintées. Le « balai » reste « un lieu d’humanité », selon Patrick Lauret, qui pilota le fourgon en 1995 et 1996.

Retrouvez tous les épisodes avec La voiture-balai du Tour de France.

Patrick a passé une vie au volant : conducteur de bus RATP dans les rues de Paris, chauffeur pour les invités de France Télévisions sur le Tour de France (2004-2022) et pilote de la voiture-balai (1995-1996). L’amour du vélo a souvent quelque chose de génétique : son père Jacques fut le taulier incontesté de la voiture-balai entre 1981 et 1994. Coureur amateur à l’US Créteil, employé à ses 16 ans chez le grossiste d’accessoires vélo Lejeune, Patrick a ramassé des coureurs et des amis au gré de ses virées : Laurent Romejko (Des chiffres et des lettres), Laurent Fignon (le compte est bon, double vainqueur du Tour en 1983 et 1984) et Michel Drucker (son copain). Le vélo ? La seconde famille de Patrick Lauret, même si, mis à la retraite, il suivra pour la première fois en 2023 le Tour de France à la télé.

Retrouvez tous les épisodes avec Patrick Lauret.

Le « Géant de Mandal » est un des coureurs les plus lourds de l’histoire récente du Tour de France : 1 m 95 pour 90 à 92 kg. Ce membre de l’équipe norvégienne Uno-X, né en 2000, dispute sa première Grande Boucle en 2023. Il vient de Mandal, au sud de la Norvège. Spécialité de sa ville : le saumon. Spécialités du coureur : les sprints et le contre-la-montre, dont il est champion du monde en catégorie 19-22 ans. Il s’apprête à passer un sale moment dans les grands cols pour son premier Tour de France, même s’il s’est entraîné au printemps sur les pentes de la Sierra Nevada, en Espagne. Wærenskjold s’est mis au vélo parce que sa mère lui demandait de pédaler 15 km jusqu’au marchand de glaces quand il était petit. Voilà, on comprend enfin ce que veut dire l’expression « armoire à glace ».

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Il était à la ramasse chez les jeunes, à peine bon à être sélectionné dans l’équipe nationale B du Danemark, mais Jonas Vingegaard est parti travailler dans une usine à dépiauter et emballer le poisson, et il en est ressorti grand coureur cycliste. « Le Poissonnier », l’a appelé le président Macron, en visite sur le Tour de France 2022 qu’il a remporté (Vingegaard, pas Macron). Le qualificatif est un peu réducteur, voire soupçonneux (dopage ?), pour désigner un coureur né en 1996 et qui, c’est vrai, contrairement aux autres prodiges, n’était pas taillé pour la victoire. La joue creuse et les jambes en soie, les côtes presque lui transperçant la peau quand il retire son maillot, le vainqueur sortant du Tour respire une joie et une santé très contenues. Mais il attaque le Tour de France 2023 dans la peau écaillée de favori.

Retrouvez tous les épisodes avec Jonas Vingegaard.

Le sprinter le plus titré de l’histoire du Tour, 34 succès d’étapes amassés entre 2008 et 2021, est aussi l’un de ses meilleurs sales gosses. Alias le « Missile de l’île de Man », l’esquif où il est né. Il terminera sa carrière fin 2023 à 38 ans. Il est régulièrement accusé par ses adversaires de manœuvres dangereuses ou de s’accrocher à des voitures en escaladant les cols. La controverse éclate en 2011 sur le Tour d’Italie, revient sur le Tour de France 2016… Cavendish dément, invoque des jalousies. Passe-t-il la montagne en fripon ? Et pourquoi tant de haine ? Selon ses proches, ce fils d’une professeure de danse ne demanderait qu'à être aimé. Il serait un être hypersensible, loin de l’image qu'il renvoie : sprints de feu, doigts d’honneur et vieilles ficelles.

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Le bon Cyrille a goûté à tous les délices sur le grand buffet du Tour de France : une victoire d’étape surprise alors qu’il évoluait pour une modeste équipe invitée à la dernière minute (1996), l’abandon et le dernier voyage dans la voiture-balai (1996 et 1997), les commentaires en direct pour la RTBF (depuis 2013). Ce natif de Livry-Gargan, en Seine-Saint-Denis, est expert, drôle et sympa, et il travaille aussi comme directeur du développement chez Decathlon. Une question ? Une envie de rire dans un sport qui y est infiniment propice ? Appelez Cyrille.

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Assis dans la voiture-balai, cet arbitre de la Fédération française de cyclisme enregistre les abandons et surveille les « bidons collés » et autres techniques de fraude. Éric Grandjean, 65 ans, « commissaire » sur les courses cyclistes depuis 1998, a du métier. L’ancien employé de la Poste affirme qu’il « n’interprète pas » les règlements, il les « applique ». Mais tout est dans la marge d’erreur, la nuance et le cas par cas, pour concilier les intérêts des équipes, des organisateurs et des instances sportives. Fermer les yeux une demi-seconde ou deux minutes ? Sanctionner le coureur fort, le faible, ou les deux ? Le commissaire enquête.

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Il est aux commandes du « camion-balai » depuis 2017 sur le Tour de France, depuis près de deux décennies sur d’autres épreuves. Il « colle » au(x) derniers(s) de la course avec respect, encourage, dépanne en bidons d’eau et embarque sur les sièges passagers quand le coureur est épuisé. Dans le civil, Stéphane Bezault, 54 ans, travaille comme technicien chauffagiste à Chartres, en Eure-et-Loir.

Retrouvez tous les épisodes avec Stéphane Bezault.