Amen à Grace à Dieu (102 - 21/02/2019)
Corentin : Alors va trouver une introduction de petit malin pour celle-là, Benjamin Benoit le petit malin.
Benjamin : Oui là ça va être très difficile d’exceller dans ce domaine à l’instant T, puisqu’aujourdhui on va critiquer un film qui s’inspire d’un fait divers particulièrement pesant, à des implications internationales, et est directement lié à une procédure judiciaire qui, à l’heure de la sortie du film, n’est pas terminée. C’est Grace à Dieu, de François Ozon, qui s’inspire directement des faits de pédophilie dans l’Eglise, cette même Eglise qui couvre et minimise les faits, et plus particulièrement ce qui entoure le cardinal Barbarin à Lyon - ça vous dit très probablement quelque chose.
[BANDE ANNONCE 1]
C’est le dix-huitième film de François Ozon, 51 ans et toutes ses dents… je crois. Il a tenté des comédies, des drames, des films avec un peu de fantastique, des drames et des thrillers chelous. Huit femmes, Swimming Pool, 5x2, Potiche, l’Amant Double et maintenant Grace A Dieu. Et pas encore de récompense française. Et je doute que ça change avec un film un peu complexe, puisque le tribunal de Lyon a rejeté, le mardi 19 février, la demande de Régine Maire, une bénévole du diocèse de ne pas avoir son nom dans le film. Une démarche juridique presque mineure face à l’autre épée de Damoclès qu’avait le film sur la truffe : le TGI de Paris a débouté Bernard Preynat qui a tenté de faire obstacle à la sortie du film. Et pour contextualiser rapidement, Grace A Dieu parle des agressions sexuelles du père Preynat, qu’il a commis sur de nombreux mineurs. Et plus précisément, de la rémission des victimes, du début de l’affaire dans le circuit judiciaire et de leur rapport à la foi.
C : La justice a estimé que la liberté d’expression balançait suffisament la présomption d’innocence pour ne pas gêner la sortie du film.
B : Et son gros casting : Melvil Poupaud, Denis Ménochet, Swann Arlaud, et Josiane Balasko, entre autres. Le film à une structure de plus en plus périphérique. On commence avec le rôle de Melvil Poupaud, plutot BCBG, qui a été abusé par le père Preynat et qui obtient enfin un rendez-vous avec ce dernier. Le padre admet les faits mais ne demande pas pardon, et Alexandre, c’est son nom, ne se sent pas du tout plus apaisé après cet échange. Les faits sont prescrits pour lui, mais il va finir par porter plainte tout de même et trouver d’autres victimes.
C : Un peu comme le film américain Spotlight, mais qui serait du coté des victimes et pas des journalistes.
B : C’est ça. Je suis d’accord avec ma propre comparaison dont tu t’es fait le porte-parole. Alexandre, plutot posé et installé dans sa vie, a les moyens psychologiques de fouiller et de trouver d’autres victimes. Il va se confronter à différentes réactions, certaines bienveillantes, d’autres plus épidermiques. La bande-annonce le raconte un peu trop, certains d’entre eux n’ont pas forcément un entourage propice ou compréhensif pour ce genre de démarches. C’est particulièrement édifiant pour Emmanuel, incarné par Swann Arlaud. Il a une vie moins facile, moins lumineuse, voir des articles sur le père Preynat lui donne immédiatement des crises de tétanie, bref le traumatisme est d’une crédibilité qui peut, potentiellement, être un peu douloureuse pour le spectateur.
C : C’est aussi un film très documentaire.
B : Oui on sent le véritable travail de recherche et de recueil de témoignages, qu’Ozon a fait et reproduit à l’écran via ses personnages. Une fictionnalisation pourtant très carrée et factuelle, qui saute de victime en victime. Ce cloisonnement rend les 2 heures 20 du film très fluides, et explique posément les tourments intérieurs et extérieurs de ses personnages. Trois personnages aux polarités opposées : quelqu’un de posé, quelqu’un en colère, et quelqu’un trop submergé par la souffrance. Une structure qui n’oublie pas les accusés, accusés qui ne nient jamais mais ne sont jamais punis, et dont l’ombre glacante traîne tout le long du film. Et surtout, il sème des apories… des questions sans réponse… à certaines personnages catholiques pratiquants et qui le restent. Mais comment garder la foi après ça ? Tout ça est criant de vérité, filmé froidement et sans artifice. Ca en fait un bon objet de cinéma, mais un peu plus que de cinéma, parce que si le nom des victimes a été changé, ce n’est pas le cas des abuseurs. La Croix a titré « Grace A Dieu, le pouvoir de la fiction » pour sa critique, et c’est justement la véracité criante des faits qui en fait un objet important.
C : Eh bien merci Benjamin, et ah il s’agite, il veut laisser un message. On t’écoute.
B : Cette chronique sortira pour la première fois à une date très proche des Césars. J’espère que Jusqu’à La Garde va tout rafler, et je vous le recommande très fort. C’est aussi avec Denis Menochet dans un rôle très compliqué, et c’est l’un des meilleurs films de l’année si ce n’est le meilleur. Mais attention, c’est pas du tout le plus facile à voir. Puis pour le reste, que Dieu vous accompagne dans votre mystère.
C : Quoi, quel mystère ? Tu nous fais du plat ou bien ?
B : Non moi non plus, je sais pas ce que ça veut dire. Mais il le disent.
On dit « Amen » à « Grâce à Dieu »
Le dernier film de François Ozon, « Grâce à Dieu » est tellement ancré dans l’actualité que plusieurs personnes ont tenté d’empêcher sa sortie dans les salles. Parmi elles, le père Preynat, soupçonné d’actes de pédophilie, et principal objet du film. On fait le compte rendu de ce long métrage à l’ambiance plus que pesante avec Benjamin Benoit.
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