Corentin : Le monument du cinéma américain, Steven Spielberg, a rendu sa dernière copie. Elle s’appelle Pentagon Papers, ou The Post en version originale. Pape moderne du cinéma américain, la sortie de ses films est toujours un évènement en soi. Benjamin Benoit est allé le voir, salut Benjamin !
Benjamin : Salut Corentin, hé oui, indépendamment de la qualité du film, Pentagon Papers était un incontournable par définition. Après le Pont des Espions et un Bon Gros Géant un peu bof, la concurrence et la succession se forme pour Spielberg. Je vous redirige notamment vers Bayona, le réalisateur espagnol dont le dernier film, Quelques minutes après minuit, a fait un bide injuste en France. Après Pentagon Papers, on aura son adaptation en film de Ready Player One... et ce métrage n’est déjà pas très aimé, mais on y reviendra peut-être en temps voulu. Donc ! Pentagon Papers ! Nommé aux Oscars pour le meilleur film de 2017, et Meryl Streep est nommée pour la meilleure actrice. Grand abonné de Steven Spielberg, on y trouve Tom Hanks, et une armée de petits rôles, incarnés notamment par Bob Odendirk et David Cross. On peut voir le premier dans Better Call Saul et les deux sont les stars d’une série de sketchs diffusés sur Netflix. BON BREF PENTAGON PAPERS.
[EXTRAIT BANDE-ANNONCE 1]
C : Une question dévorante s’impose alors. Quels sont ces fameux Pentagon Papers ?
B : Alors un point d’explication s’impose. Les X Papers, c’est du jargon de journalisme d’investigation pour signifier la fuite massive de documents secrets. Donc, embarrassants. Dans la catégorie évasion fiscale, on a eu les Panama Papers, par exemple. Les Pentagon Papers ont été photocopiées et fuités par un employé scrupuleux du... Pentagone en 1971.
C : Un petit rappel du contenu pour ceux qui ne seraient pas au fait ?
B : Cette fuite est la première des deux affaires majeures qui, coup sur coup, vont conduire à la chute du président Nixon. La deuxième, c’est le scandale du Watergate, malignement évoqué dans le film. L’idée qui ressort de ces papiers, c’est que les États-Unis ont continué d’envoyer des jeunes américains au casse-pipe Vietnamien. Il était alors déterminé qu’ils ne pouvaient que perdre la guerre. Mauvais délire, et un élément en trop pour la contestation de la politique étrangère de Nixon qui, je le rappelle, était un président vraiment très très républicain.
C : Mais ça ne nous dit pas pourquoi, à l’origine, le titre s’appelle The Post.
B : Toute l’histoire révêle comment le Washington Post est devenu le monstre de journalisme qu’il est aujourd’hui. Jusque là, il était perpétuellement dans l’ombre du New York Times, accessible à un coup de train. Mais Daniel Essberg, le lanceur d’alerte, a d’abord tenté de filer les documents au New York Times. Il s’est pris une injonction du cabinet présidentiel en deux-deux. C’est donc grace à une passe décisive entre Benjamin Bradlee, le rédacteur en chef du Post, et (ton amusé) Benjamin Bagdikian, son second, que l’affaire a trouvé sa résolution. La véritable star du film, c’est Katharine Graham, la propriétaire du Post. Elle donnera le feu vert final malgré la pression des grosses légumes. Le Post s’apprête alors à rentrer en bourse...
C : Katharine Graham, donc incarnée par une Meryl Streep nommée aux Oscars, ce qui veut dire...
B : Oui, que son rôle est essentiel dans l’équation. Elle incarne une femme qui a du mal à faire entendre sa voix, qui se convainct de l’incompétence que des hommes projettent sur elle. Mais elle est 100% volontaire, pas très forte et pas très sûre d’elle mais elle sait prendre ses propres décisions le moment venu. C’est un rôle intéressant qu’on aime voir évoluer. Mais comme disait James Brown, « c’est un monde d’hommes », « It’s a men men’s world » et dans la rédaction, on a surtout droit à Tom Hanks qui MANSPREAD et qui pose les pieds sur sa table pour montrer qu’il est un véritable bonhomme.
[EXTRAIT BANDE-ANNONCE 2]
Hormis le fait que je vous conseille n’importe quel film de Spielberg, on trouve tout de même quelques aspérités dans Pentagon Papers. Je crois, très bizarrement, que c’est la première fois qu’il film la guerre du Vietnam. Rien qu’une scène au tout début. Et quel délice de voir les impressions à l’encre d’un journal, de voir tout le processus à l’ancienne, du premier correcteur à l’imprimerie. Si vous êtes un peu fétichiste des rotatives, c’est pour vous. Bien sûr, c’est un film sur la démocratie, un film sur le journalisme, plus épique et extraverti que le récent Spotlight, qui lui était davantage concentré sur le fait journalistique traité. Dans Pentagon Papers, l’enjeu c’est « publie ou publie pas », et le résultat on le sait déjà. L’intérêt du film, c’est le mouvement, la presse en marche. Celle qui brainstorme furieusement par terre, sur la moquette d’un appartement... ou celle qui envoie un stagiaire faire de l’espionnage industriel dans l’État d’à coté.
C : Nous y sommes déjà : un petit bilan ? Est-ce que Pentagon Paper est re- commandé par les Croissants ?
B : Il n’est pas simple de créer du suspense sur une situation déjà connue, surtout quand elle consiste à voir des gens deviser. Pentagon Papers trouve un écho militant sur le présent avec le prisme du passé. Les vieux briscards de la critique sont moins enthousiastes... ne les écoutez pas, ils ont vu trop de choses. Oui, c’est un toooout petit-peu plan plan, mais plan plan deluxe. Pentagon Papers ? Plan plan plus plus.
Pentagon Papers, un film sympa et dans son temps, c’est sur les écrans depuis le 24 janvier et vous avez encore un peu de temps pour aller le voir. N’hésitez pas. Généralement, je conseille automatiquement d’aller voir tous les films nommés à la catégorie Best Picture des Oscars, c’est une petite fenêtre contextuelle dans la tête d’Hollywood.
C : Alors vous pouvez y aller gaiement. A la prochaine Benjamin pour de nouvelles aventures cinématographiques !
B : Mais oui ! A la prochaine mon bon Milou !
« Pentagon Papers » : le rappel de Spielberg des vertus de la presse
Il s’agit d’un des deux scandales qui ont fait tomber le président Nixon aux États-Unis. Steven Spielberg revient avec « Pentagon Papers » sur l’une des plus grandes affaires journalistiques du XXe siècle. Et c’est Benjamin Benoit qui nous en parle !
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