Corentin : (Bruit orage) Le monde de l’audiovisuel s’affole. Devrais-je dire, les cinéastes et amoureux du cinéma s’agitent. Quel est l’avenir du visionnage de film en salle à l’heure de Netflix et autres plateformes de VOD ? Alors que ceux paru chez Netflix sont persona non grata au festival de Cannes cette année, Angèle Chatelier s’interroge : va-t-on - vraiment - délaisser le cinéma pour le streaming ?
Angèle : L’année dernière déjà, le débat avait fait couler beaucoup d’encre. Netflix présentait pour la première fois deux de ses productions originales, les films Okja et Meyerowitz au festival de Cannes. Des longs-métrages pas disponible en salle de cinéma mais bien… directement depuis son lit grâce à Netflix.
Cette année, les films made in plateforme de VOD sont interdits de compétition au festival. Une décision de Thierry Frémaux, le délégué général du festival de Cannes qui assure que les films Netflix pourront être présentés hors compétition.
Car Netflix, vous le savez, comme d’autres, est une plateforme de VOD mais génère aussi ses propres contenus. Et cela pose alors différents problèmes pour l’industrie du cinéma.
C : Le côté "Netflix qui produit des films », chamboule toute l’économie de cette industrie
A : Netflix est surtout connu pour produire des séries. 13 Reasons Why ou The OA, pour ne citer qu’elles. Depuis quelques temps, ils produisent aussi leur propre contenu cinématographique, comme le film Bright, par exemple. Un film 100% Netflix qui a investi 90 millions de dollars dans ce projet. (EXTRAIT 1)
Du coup, les grandes majors du cinéma grincent des dents. Bin oui, si Netflix produit du contenu - si tant est de qualité - et qu’en plus c’est un nouveau mode de consommation du film, alors les spectateurs iront moins voir les films des productions Pathé, par exemple, au cinéma.
Du moins, c’est ce qui inquiète.
C : Steven Spielberg le premier, par exemple.
A : Dans une interview accordée à ITV News il dit : « les cinéastes vont de moins en moins lutter pour récolter de l’argent. Beaucoup d’entre eux vont finir par se diriger vers les entreprises de VOD pour financer leurs films, avec l’espoir, peut-être, d’une sortie d’une semaine dans les salles obscures ». Résultats, tous les films pourraient bientôt être produits et estampillés Netflix, selon lui.
C : Les films Netflix, pour ne citer qu’eux sont donc extrêmement verrouillés car l’industrie du cinéma est bien rodée depuis des années
A : Pour l’instant, il serait difficile d’imaginer une production Netflix sortir dans un cinéma Gaumont/Pathé.
Alors la plateforme tente autre chose : acheter elle-même ses propres cinéma.
D’après le Los Angeles Times, Netflix voulait acquérir les 56 salles de cinéma de Landmark Theatres, la plus grande chaîne de théâtre des États-Unis dédiée à l’exposition et à la commercialisation de films indépendants et étrangers. Si le prix était bien trop élevé pour la plateforme, une source déclare tout de même qu’un projet de rachat de salles obscures par Netflix est dans les tuyaux.
C : Et il ne faut pas oublier le « Netflix diffuseur »
A : Non, surtout qu’il fait aussi partie du problème.
Aujourd’hui, la loi est claire : un film est disponible sur les plateformes de vidéo à la demande type Netflix, 36 mois après sa sortie en salle. (En dehors de ses propres productions, vous l’aurez compris)
Pour la télévision, c’est 22 mois.
Netflix rachète régulièrement les droits de diffusion de films pour les mettre sur sa plateforme. Sauf que ce sont rarement des films produits par des gros pontes du cinéma, comme Pathé. Pour garder le contrôle, forcément, ils ne les vendent pas à Netflix. C’est pour cela que vous trouvez régulièrement sur la plateforme, soit des films vraiment nuls pour l’instant, soit des productions indépendantes.
C : Au delà des problèmes économiques, ce qui inquiète l’industrie du cinéma, c’est l’usage que l’on fait désormais des films
A : Et oui. Il y a ceux qui défendent la pureté d’une salle de cinéma. L’importance de visionner un film dedans. Mais il y a aussi ceux qui prônent Netflix, son prix pas cher et son catalogue de plus en plus gros.
C : De son côté, le responsable des contenus de la plateforme VOD, Ted Sarandos, tempère
A : Il rappelle que les cassettes vidéos n’ont pas tué les salles dans les années 80. Surtout, il prône le fait qu’un film, produit ou non par Netflix, s’il est disponible sur la plateforme, sera visionné par bien plus de monde. Ceux qui n’ont pas forcément accès à des salles de cinéma, ou qui n’ont pas les moyens de se payer une place tous les mois.
C : En réalité, ce débat est sensiblement le même que l’on a eu lors de l’arrivée des plateformes comme Spotify ou Deezer pour l’industrie de la musique.
A : On criait par exemple à la fin de la radio. Surtout les radios musicales. Même si la radio est gratuite, Spotify et Deezer permettent pour 10 euros par mois d’avoir accès à un nombre incalculable de titres.
Mais, si l’on peut être un peu optimiste, cette arrivée du streaming sur le marché a au moins eu le mérite de faire évoluer la radio. Aujourd’hui, les radios ont appris à investir le web et elle ne se porte pas si mal.
L’arrivée de Netflix, Amazon ou OCS sur le marché du cinéma va peut-être permettre aux salles obscures de se renouveler.
C : De toutes façons, peut-être qu’ils n’auront pas le choix.
A : A la question : va-t-on vraiment délaisser le cinéma pour Netflix, il faut répondre : tout dépend de comment va évoluer la consommation des longs-métrages en tant que tels. Si le spectateurs peut voir un film de chez lui, en payant peu et en ayant des équipements d’ici quelques années, de facto, cela changera la façon de consommer le cinéma.
C : Le cinéma va peut-être être obligé de se réinventer, comme Spotify a obligé la radio et l’industrie musicale à le faire
A : Mais pas mourir pour autant.
Surtout, pour nous en tant que consommateurs, il ne faut pas que les changements dans l’industrie restreignent l’accès aux films pour les spectateurs ni que leur qualité se dégrade.
Aussi, il faut que les producteurs de films puissent encore le faire dans de bonnes conditions. A savoir : gagner autant d’argent, de droits d’auteurs et surtout… que la liberté de création prime.
D’ailleurs à la fin du mois d’avril, les parlementaires européens et les États membres de l’UE ont passé un accord : Netflix, Amazon et autres seront obligé de participer au financement de la production cinématographique et télévisuelle européenne. Reste à savoir à quelle échelle.
C : Merci Angèle Chatelier de nous avoir éclairé sur les liens entre Netflix et le cinéma, une vaste question ! A très bientôt
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