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Les Croissants
Taxe GAFA : La France en lone ranger
Corentin : Mais quelle mouche a piqué le gouvernement français ? Sans attendre la réforme fiscale européenne prévue de longue date, Bercy a annoncé la taxation des géants de la tech au niveau national et ce, dès le 1er janvier 2019. Autrement dit, demain. Elodie Carcolse de la Réclame nous éclaire sur cette sempiternelle, mais encore inexistante taxe GAFA.
Elodie : Taxera, taxera pas ? A quelques semaines de l’application supposée de la taxe Gafa la confusion règne au sein du gouvernement. Il faut dire que la taxation des géants du web est un véritable serpent de mer de la politique française, mais aussi européenne.
Annoncé en mars dernier par l’ancien ministre de l’Économie et aujourd’hui Commissaire européen aux affaires économiques, le français Pierre Moscovici, le projet européen de taxation des géants du numérique, les fameux GAFA (pour Google, Amazon, Facebook et Apple) n’en finit plus de diviser au sein de l’Union Européenne. Faisant fi d’une concertation avec ses homologues européen, Bruno Lemaire expliquait au micro de BFMTV/RMC ce lundi 18 décembre :
[Extrait]
Elodie : En effet, si tout le monde s’accorde pour dénoncer l’optimisation forcenée des géants de la tech, celle-ci n’en est pas moins légale. Lors du transfert de leurs bénéfices vers leurs différentes filiales et autres sièges européens situés dans des pays à la fiscalité avantageuse, ces géants du web assurent n’opérer que certaines activités en France (publicité, approvisionnement en informations, recherche scientifique ou activités analogues). Activités dont ils ne sont pas tenus de déclarer les bénéfices, comme le prévoit la convention fiscale signée avec l’Irlande notamment. C’est grâce à ces tours de passe passe fiscaux, qu’Apple, Google et consorts s’acquittent d’un impôt avoisinant les 10 % quand d’autres se voient imposer à hauteur de 23%.
Corentin : On ne prête qu’aux riches il paraît…
Elodie : Une situation devenue intenable pour l’Union européenne, mais rendue possible par un régime fiscal mis en place avant même l’apparition d’internet. Depuis, plusieurs pays ont tenté de récupérer un peu de ce butin qui échappe à leurs tiroirs caisses, mais s’y sont finalement cassés les dents, à l’instar de l’Italie et du Royaume-Uni. C’était en 2014 déjà.
Corentin : L’Espagne souhaitait également imposer une redevance à Google concernant Google News et avait dû renoncer lorsque le moteur de recherche avait menacé de fermer purement et simplement le service dans le pays.
Elodie : Exactement. Et quand ce n’est pas Google qui montre les crocs ce sont les pays à la fiscalité plus douce, comme l’Irlande, le Luxembourg ou les Pays bas qui font la danse des 7 voiles à ces mastodontes et autres tycoons du web pour les voir venir brouter leurs verts pâturages. De son côté, la France, l’Allemagne ou l’Italie militent pour la mise en place d’une taxe le plus rapidement possible. Et pour ajouter un peu de complexité à tout ça…
Corentin : Oui, je trouvais que c’était un peu trop simple comme affaire !
Elodie : Tu ne vas pas être déçu : au sein même des partisans d’une taxation, des désaccords existent. L’Allemagne bataille pour imposer une taxation à l’échelle mondiale, la France penche quant à elle pour une solution européenne et de nombreux États européens, comme l’Estonie ou le Danemark, s’opposent purement et simplement à l’existence d’une telle taxe.
Corentin : Ils voudraient faire capoter la réforme qu’ils ne s’y prendraient pas mieux !
Elodie : D’autant que toute réforme fiscale requiert l’unanimité au sein de l’Union européenne ! Face à ces atermoiements, et n’y tenant plus, la France a choisi le passage en force, ou le contournement, au choix. Au lieu d’attendre sagement un soutien qui n’arrivera peut-être jamais et une réforme fiscale - qui ne sera peut-être jamais votée, si elle n’est pas vidée de sa substance entre temps - Bercy a décidé de mettre en place sa propre taxe et ce, dès aujourd’hui.
Corentin : Avec le risque de se voir débouter plus tard par les instances européennes.
Elodie : C’est ce qui leur pend au nez en effet. Mais il faut dire que les géants de la tech sont des pros de l’esquive, ils ont épuisé tous les recours, et la patience des États membres du même coup, dont la France. Vous vous en doutez, le fisc français et ses homologues européens n’en sont pas à leur coup d’essai. Pour exemple, en 2012, Google se voyait ainsi exiger près d’1 milliard d’euros d’arriérés avant de finalement échapper à un redressement fiscal. Rebelote en 2016, lorsque le conseil constitutionnel a censuré une taxe Google initiée par le député PS Yves Galut. En 2016 toujours, Apple se voyait menacé d’un redressement à 400 millions d’euros. Et quand la justice ne leur donne pas raison, nos bons vieux géants s’acquittent d’une petite obole sous forme d’investissements ou règlent ça à l’amiable.
Corentin : Ce n’est pas Facebook qui payait un impôt ridiculement bas au Royaume-Uni ?
Elodie : Si ! 5 848 euros en 2014, soit moins que le contribuable britannique moyen à l’époque. La taxe GAFA promise par le candidat Macron, et tous les candidats à l’élection présidentielle de 2017 d’ailleurs, devrait représenter environ 500 millions d’euros en 2019, en tout cas d’après Bruno Le Maire. Enfin, ça c’est seulement si elle est effectivement appliquée. Contrairement à l’impôt sur les sociétés et le projet de réforme européenne, elle ne se limitera pas au chiffre d’affaires, mais s’étendra aux revenus publicitaires, aux plateformes et à la revente de données personnelles. Une mesure qui devrait concerner principalement les géants du web américains, mais aussi européens et asiatiques.
Corentin : Pas de jaloux !
Elodie : Le temps presse, cette taxe doit venir financer une partie des mesures sociales annoncées la semaine dernière par le président Macron pour calmer les ardeurs révolutionnaires des gilets jaunes. Si on ne sait encore pas grand chose de cette taxe, on sait au moins qu’elle fera sa rentrée le 1er janvier prochain pour nos très chers mastodontes de la tech. Avec tous nos meilleurs voeux !
Corentin : L’année commence effectivement sur les chapeaux de roues pour ces fameux GAFA. Merci Elodie pour cet éclairage opportun et à la prochaine !
La France met en place une taxe contre Google : Gafa la désillusion !
Ça fait déjà plusieurs mois que le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, martèle sa volonté de taxer les géants du net, les fameux Gafa. Avec Élodie Carcolse de « La Réclame », nous verrons pourquoi cette mesure se fera finalement à l’échelle nationale et ce que ça implique sur son efficacité.
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