Corentin : Alors, c’est Lucie Ronfaut qui a choisi cette chanson, hein ? Il s’agit de la chanteuse Jenifer, qui nous parle d’un ...fil … Lucie, tu nous expliques ?
Lucie : Bien sûr ! Mais d’abord je vais te poser une question : tu connais Twitter ?
Corentin : [Réponse]
Lucie : Pour ceux qui l’ignorent, il s’agit d’un réseau social. Il est loin d’être aussi gros que Facebook, qui compte 2 milliards d’utilisateurs, mais il est tout de même utilisé par plus de 328 millions de personnes dans le monde. Sa spécificité est qu’on ne peut pas y publier des messages de plus de 140 caractères. Si vous n’utilisez pas Twitter, vous pourriez en conclure que c’est un réseau social plein de messages concis et lapidaires, pour rentrer dans cette fameuse limite des 140 caractères.
Que nenni! Twitter au contraire peuple de bavards. A défaut de savoir se contenir, ils ont inventé une nouvelle forme d’expression sur le réseau social : le thread, littéralement “le fil” en anglais. Le principe est simple. Puisqu’un tweet ne peut pas faire plus de 140 caractères, certains en font plusieurs à la suite pour raconter des choses plus longues. Il peut s’agir d’une histoire intéressante, d’une réflexion ou d’une suite d’articles sur un sujet en particulier. Le site Politico a par exemple qualifié les “threads” de “genre littéraire de l’ère Donald Trump”. Le très controversé président des Etats-Unis est accro à Twitter. Du coup, de nombreux journalistes y publient des threads pour commenter ses décisions ou ses déclarations.
Corentin : OK donc on voit bien en quoi consiste un thread. Mais y’a pas un moyen de les repérer ? Un petit picto peut être ?
Lucie : Pas vraiment. Mais souvent, ils commencent par la mention “à dérouler !” Et parfois, je ne vais pas vous mentir, ils sont vraiment chiant. Je vais me la jouer vieille d’Internet, mais avant sur Twitter, les threads on appelait ça des “tweetstorm”, littéralement une tempête de tweets. On assumait que c’était un peu saoulant, de lire tant de tweets d’un coup.
Mais il y a aussi du bon ! Les threads ne servent pas qu’à raconter sa vie ou commenter l’actualité. Le format a aussi donné naissance à un genre littéraire à part entière. Des personnes racontent de la fiction au travers de threads. Par exemple, l’auteur français François Descraques a lancé un compte, 3e étage, où il raconte l’histoire d’un mec qui vient d’emménager dans un nouvel appartement et dont le propriétaire est très inquiétant. Il publie un thread par semaine, à la manière d’un épisode de série. Beaucoup de ces threads littéraires versent dans le genre de l’horreur ou du suspens. Ca rappelle les creepypastas, ces histoires qui font peur qu’on s’échangeait aux débuts d’Internet.
Corentin : Mais quand même, c’est un peu embêtant à lire et à publier, non ? Pourquoi ces gens-là n’ouvrent pas un blog ?
Lucie : Alors déjà, c’est de moins en moins difficile. Twitter planche sur une option qui permettrait à ses utilisateurs de publier plein de tweets en même temps et à la suite. Il existe aussi des sites qui transforment les threads en une page de texte simple à lire. Ensuite, lire un thread et un blog ce n’est pas la même chose. Déjà, il est plus facile de découvrir des nouvelles choses sur Twitter qu’en allant sur un blog qu’on connaît déjà. J’ai lu des threads sur des sujets dont j’ignorais l’existence, parce que mes contacts les avaient relayé, et ça m’a appris plein de choses. C’est un bon moyen d’échapper aux algorithmes de recommandation qu’on voit sur presque tous les réseau sociaux, et qui ont tendance à limiter nos découvertes en nous enfermant dans nos propres goûts. Et surtout, il y a un certain plaisir à attendre la publication de tweets les uns après les autres, pour connaître la fin d’une histoire. Les threads réhabilitent le temps long dans un Internet qui va toujours plus vite.
0:00
7:42
Vous êtes sur une page de podcast. En cas de difficulté pour écouter ce document sonore, vous pouvez consulter sa retranscription rapide ci-dessous.