Corentin : “Sale pute”. “Je vais te baiser”. “Je sais où tu habites j’vais te tuer.” Oui, c’est un peu violent je vous l’accorde mais ces insultes sont le quotidien de beaucoup de personnes victimes de cyberharcèlement. Parmi les gens cyberharcelés : la journaliste Nadia Daam. Elle a été contrainte de quitter Twitter à cause des insultes et menaces dont elle a été victime. Et ce n’est pas la première.
Récemment, la secrétaire d’État à l’égalité Femme/Homme Marlène Schiappa a annoncé l’arrivée d’un texte de loi pour punir au mieux les cyberharceleurs. Angèle Chatelier nous en parle
Angèle : Une déferlante de haine souvent impunie. Le cyber harcèlement est probablement devenu le mal du siècle. Il provoque suicide, dépression, moqueries... mais ne touche pas que les ados. Il contraint aussi aujourd’hui des dizaines de personnalités à s’éloigner des réseaux sociaux tant les propos tenus sont sidérants, abjects et d’une violence inouïe. La dernière en date, Nadia Daam. La journaliste a quitté Twitter début avril.
C : A cause d’une chronique, c’est bien ça ?
A : Oui. En novembre 2017, celle qui officie dans l’émission 28 minutes sur Arte et sur Europe 1 chaque matin fait une chronique sur un système mis en place par Clara Gonzales et Elliot Lepers. Dans la vague de Balance ton porc et Me Too, tous deux avaient créé un numéro de téléphone à donner à un harceleur ou à quelqu’un de trop insistant. La journaliste critique alors la vague de haine qu’on subit les deux protagonistes, notamment sur le forum jeuxvideo.com (EXTRAIT 1)
En quelques jours, Nadia Daam est victime de cyber harcèlement, de menaces de morts, de viol et d’insultes en tout genre. Début avril, sans un mot, elle quittait Twitter.
C : Avant elle, c’est la YouTubeuse et comédienne Marion Seclin qui avait vécu un tel déferlement de haine.
A : En mars 2016, elle publiait des vidéos contre les clichés sur le féminisme et notamment une sur le harcèlement de rue (EXTRAIT 2)
La jeune femme dit avoir reçu depuis plus de 40 000 messages haineux. Elle s’est même autoproclamé la championne de France du cyber harcèlement lors d’un TedX en novembre 2017.
C : Le fléau touche les personnalités publiques mais on le sait, aussi, les adolescents dans les couloirs des collèges et des lycées.
A : Selon une étude réalisée par le Centre Hubertine Auclert sur 1200 élèves franciliens, 3 filles et 2 garçons par classe ont été victimes de cybersexisme, par exemple. 12,5% des enfants français ont déjà été victimes d’actes de cyber-violence ou de cyber-harcèlement, selon l’UNICEF.
C’est ce qu’à mis en exergue la série 13 Reasons Why, qui revient pour une saison 2 le 18 mai prochain. Elle raconte l’histoire d’Hannah, une jeune ado qui se suicide à cause du harcèlement et cyber-harcèlement dont elle a été victime (EXTRAIT 3)
A l’école, donc, ce sont régulièrement d’autres élèves qui cyber-harcèlent. Dans le cas de Nadia Daam ou Marion Seclin par exemple, mais aussi des militantes Rockhaya Diallo et Caroline de Haas, ce sont de parfaits inconnus. Et, vous l’aurez compris, ces femmes ont subi du cyberharcèlement en raison de leurs opinions féministes.
C : On a souvent taclé les réseaux sociaux pour un peu fuir le problème
A : Facebook, Instagram, YouTube, Twitter… tous semblent complètement dépassé par cette situation. Il y a une véritable jurisprudence aujourd’hui sur la modération des contenus haineux sur les réseaux sociaux. Le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a fait un test il y a quelques semaines : sur 545 contenus signalés sur Twitter, Facebook et YouTube, 42 posts seulement ont été supprimés. Moins de 8% des contenus sexistes ont été supprimés après signalement, dont 11% sur Facebook, 13% sur Twitter et… 0% sur YouTube.
C : Twitter avait déjà essayé de répondre au problème
A : Oui. La plateforme permettait aux utilisateurs de masquer automatiquement certains messages haineux. Sauf que.. ristourne ! Les cyberharceleurs n’ont eu qu’à créer des listes nommées par insultes et hop, le cyberharcelés les recevaient quand même.
C : En 2016, Facebook avait pris quelques mesures
A : Oui, mais exclusivement pour les ados. Ceux de 13 à 17 ans par exemple ne peuvent pas en théorie recevoir de messages d’inconnus, leur contenu est automatiquement partagé par défaut avec leurs amis Facebook et leurs profils ne sont pas référencés sur Google.
Rien, par contre, du côté des journalistes ou personnalités publiques harcelées sur le réseau social.
C : Peut-on aujourd’hui porter plainte si l’on est victime de cyberharcèlement ?
A : Bien sûr. Mais cela aboutit peu. Et comme le disait Marion Seclin dans son TedX, cela demande beaucoup d’énergie et beaucoup de temps de porter plainte contre 40 000 pseudonymes. (EXTRAIT 4)
C : Il existe aussi d’autres plateformes de signalement du cyberharcèlement, outre les réseaux sociaux.
A : Pharos, par exemple. C’est la plateforme d’Harmonisation, d’Analyse, de Recoupement et d’Orientation des Signalements du gouvernement. Attention, cependant, les contenus ou comportements, je cite “que vous jugez simplement immoraux ou nuisibles” ne peuvent être signalés sur Pharos.
Si vous pensez avoir été victime de cyberharcèlement, qui concerne autre chose que la haine raciale, ethnique ou religieuse, l’apologie du terrorisme etc, vous pouvez allez sur internet-signalement.gouv.fr
C : Surtout, un texte de loi est en train d’être mis en place
A : La secrétaire d’État à l’égalité Femme/Homme Marlène Schiappa a fait visiblement du cyberharcèlement un combat. Si rien n’a été fait pour l’instant, elle compte agir en proposant un texte de loi qui prévoit de punir les cyber-harceleurs dès le premier message je cite, « insultant, dégradant ou menaçant ». Les cyber-harceleurs risqueraient désormais 45 000 euros d’amende et jusqu’à 3 ans de prison.
Sachez aussi qu’un numéro vert a été mis en place si vous ou quelqu’un de votre famille est victime de cyber-harcèlement, il s’agit du 0800 200 000.
C : Merci Angèle Chatelier pour ces précisions sur le cyber-harcèlement. Je rappelle aussi que la saison 2 de 13 Reasons Why qui traite de ce sujet est disponible sur Netflix le 18 mai. A très bientôt.
De Nadia Daam à Caroline De Haas… Le cyberharcèlement : ce mal qui fait fuir les gens des réseaux
Qu’elles soient connues ou non, qu’elles soient militantes ou non, le cyberharcèlement touche un très grand nombre de personnes sur les réseaux sociaux. Le gouvernement a décidé de légiférer sur la question et les plateformes se sentent désarmées face à ce problème. Avec Angèle Chatelier, on fait le point sur ce fléau.
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