Corentin : On dit d’un homme qu’il doit être beau, fort, vigoureux. D’une femme qu’elle se doit d’être douce, sensible. Historiquement et philosophiquement, un homme se doit avant tout d’être viril. Mais cette virilité, que certains brandissent pour tenter de retrouver leur masculinité semble-t-il bafouée, existe-t-elle vraiment ? La virilité, ne serait-elle pas un mythe pour reprendre l’ouvrage d’Olivia Gazalé ? Angèle Chatelier s’interroge.
Angèle : Tu seras viril, mon kid. Tu seras un vrai, un dur, un tatoué. Etre un homme tu vois ? C’est ça. C’est ne pas pleurer, ne pas crier. Prendre soin de ton foyer. Mais qu’est-ce que c’est que ça en vrai, la virilité ? Existe-t-elle vraiment, surtout dans la société post #MeToo ?
(EXTRAIT 1)
La virilité, en sa définition même, représente l’ensemble des caractéristiques mentales, physiques et sexuelles de l’homme. Et dans l’histoire, c’est cette image de l’homme guerrier. Le héros. Aristote, lui, distingue ces guerriers héroïques des « trembleurs », ce qui ont cédé lors d’un combat. Ils ont donc perdu leur virilité.
C’est d’ailleurs aussi lui qui a dit dans son ouvrage Poétique : « On peut donner la virilité comme caractère à un personnage, mais il ne convient pas à une femme d’être virile ou trop intelligente ».
C : Comme ça, c’est dit.
A : Mais que reste-t-il de la virilité dans une société qui se veut de plus en plus égalitaire ? Certains hommes se sentent bafoués. Que restent-ils d’eux-mêmes si une femme se veut être aussi forte ? Alors ils trouvent des solutions dans la foi ou dans la folie, à choisir. Certains n’hésitent pas à se rendre dans des centres pour retrouver leur masculinité. Dedans, on y fait des activités déclarées « virilles », comme le souligne le journaliste Jean-Marc Savoye, qui a testé l’expérience pour Libération. On y fait du vélo, du tir à l’arc, du karting. La-bas, l’homme doit incarner l’autorité, la force. La femme : le foyer, la sensibilité.
Et aujourd’hui, on aurait enlevé aux hommes leur souveraineté naturelle.
C : Et parfois, cela peut aller plus loin. Nous l’avons vu dans un attentat à Toronto le 23 avril 2018 revendiqué par les Incels
A : Les Incels, cette communauté des « célibataires involontaires » qui voue une haine profonde des femmes qu’ils considèrent comme responsables de leur solitude.
C : La virilité, donc, a trait à la question du genre, surtout.
A : Et c’est à partir de ce postulat que nous pouvons citer l’ouvrage d’Olivia Gazalé : le mythe de la virilité, disponible aux éditions Robert Laffont. Car oui, cette virilité… existe-t-elle vraiment ?
(EXTRAIT 2)
La virilité ne serait qu’une idéologie, celle de la hiérarchie des sexes. Cette supposée supériorité des hommes face aux femmes n’aurait été que construite historiquement, devenue naturelle, mais n’aurait pas de fondement propre.
Comme Olivia Gazalé le dit, on attribue alors aux hommes les qualités dites « viriles » comme la force, le courage, la victoire, la réussite. Aux femmes, on attribue la douceur, le désir de paix, la patience…
Pour des raisons biologiques, tout d’abord. Les femmes perdent leur sang avec leurs règles, tandis que les hommes le verse.
Dans l’art, aussi, l’homme surplombe la femme depuis des siècles. Les femmes enfantent, s’occupent du foyer, tandis que les hommes le protège.
Et enfin historiquement, c’est l’homme qui combat car c’est l’homme qui est fort.
C : Vous l’aurez compris, la virilité tient en son coeur la notion même de domination masculine.
A : Et récemment, c’est La Ligue du Lol qui a remis en lumière cette notion. Des dizaines de journalistes, commerciaux et publicitaires influents ont été accusés d’avoir harcelé sur Twitter de nombreuses personnes, essentiellement des femmes au début des années 2010.
Cette histoire n’est pas qu’un conflit appartenant au microcosme parisien : elle met en cause la définition même de la domination masculine. Ces hommes, parce qu’influents, harcèlent les plus faibles. Ceux qui ne sont pas comme eux. Cette domination masculine s’assoit aussi sur le fait que ces hommes, avant cette histoire, étaient à des postes importants. Les femmes harcelées, elles, avaient dû quitter le réseau social ou même, carrément, leur métier. Considéré comme du trolling, de l’humour, les actes de la ligue du lol étaient pourtant bel et bien du harcèlement.
C : Alors quelle est la solution ?
A : Partir de ce postulat que la virilité n’existe pas, qu’elle n’est qu’idéologie et éduquer nos jeunes garçons à une société plus juste, peut-être ?
Il n’est pas question-là de remettre en cause l’intégralité de la gent masculine, non. Plutôt de mettre en lumière l’idée selon laquelle les hommes, historiquement, ont été éduqués à être virils. À ne pas pleurer, à se battre. Comment avec de tels ancrages, peut-on prétendre à une société plus égalitaire ?
S’interroger semble être la première des solutions. La Ligue Du Lol a notamment remis en cause certains hommes sur leurs agissements. Le mouvement #MeToo, aussi. Il semble important de débattre sur la question pour y trouver un sens : qu’est-ce qu’être un homme, qu’est-ce qu’être une femme, et devrait-on vraiment genrer cette question ?
Car vous l’avez vu, la virilité n’est rien d’autre qu’un pur produit de l’histoire, un mythe dans lequel se réfugient certains pour asseoir leur domination.
C : Merci Angèle Chatelier pour ces précisions sur la virilité. A ce sujet, vous pouvez lire l’ouvrage d’Olivia Gazalé mais aussi “Mâles d’hier, homme d’aujourd’hui” de Ismaël Khelifa.
À très vite !
La virilité existe-t-elle vraiment ?
Après #MeToo et le scandale de la « Ligue du LOL », le sujet de la virilité est plus que jamais remis sur la table. Avec Angèle Chatelier, nous allons voir que cette caractéristique relève bien plus du mythe néfaste que d’une quelconque réalité biologique.
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