C’est un petit cube de quelques dizaines de centimètres d’arête, posé dans l’immense cube métallique du bâtiment B du salon de l’agriculture millésime 2019. Au bout d’une interminable allée de moquette bleu roi, après avoir contourné le bouchon formé par le troupeau (humain) agglutiné autour du ministre Didier Guillaume, on trouve une ruche en plexiglas. Elle fait modeste, dans ce décorum de grande foire. Elle a pourtant fait vaciller des géants, en l’occurrence les mastodontes de l’industrie des pesticides.
En septembre 2018, la France a interdit l’usage des néonicotinoïdes, une famille de produits phytosanitaires introduite dans les champs hexagonaux au milieu des années 1990 et nommés ainsi parce qu’ils agissent sur les mêmes cibles du système nerveux que la nicotine. Cette décision a clos une controverse et une bataille de près de vingt-cinq ans, opposant les firmes productrices de ces pesticides aux apiculteurs, aux associations et aux scientifiques. C’est cette famille de molécules que les apiculteurs bretons que Les Jours ont rencontrés (lire l’épisode 2, « Luttes ouvrières ») soupçonnent d’avoir décimé leurs abeilles pendant l’hiver 2017-2018, quelques mois avant l’interdiction. Pour valider les craintes des uns et les hypothèses des autres, il a fallu mettre au point des protocoles scientifiques ingénieux et robustes.