Un gros orage est sur le point d’éclater. Vite, il faut déployer un parasol au-dessus des ruches pour avoir le temps de finir les relevés : peser chaque cadre avec et sans abeilles, mesurer la taille du couvain, faire un prélèvement d’ouvrières pour repérer, sur leur dos, la présence de l’acarien vampire Varroa destructor. L’eau commence à tomber à seaux. À toute allure, l’équipe en vareuse referme les ruches au bord de la noyade, replace les capteurs divers et variés, remise la balance électronique, sauve les tablettes de notes pour que l’encre ne s’efface pas et les données du jour avec. Ce n’est franchement pas un temps à mettre un apiculteur dehors. Mais, ici, sur l’emplacement « S02 » du programme de recherche Ecobee, planqué sur une ancienne voie technique de l’autoroute Paris-Bordeaux, à quinze minutes au sud de Niort, dans les Deux-Sèvres, on ne fait pas d’apiculture : on essaye de sauver Maya.
« Il y a des scientifiques qui ont des potentiomètres ; nous, on a des abeilles comme outils de travail, rigole Jean-François Odoux, ingénieur d’étude à l’unité expérimentale d’entomologie de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) du Magneraud, en Charente-Maritime. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas que les colonies soient belles ou qu’elles produisent bien, c’est de savoir comment elles se comportent en fonction du paysage qui les entoure. » Le paysage en question, c’est celui de la vaste plaine céréalière des Deux-Sèvres.