On l’appellera R. Une simple lettre pour éviter à sa famille, vivant à Kaboul, d’être identifiée. R. était l’interprète d’Ishaq Ali Anis, Aqeel Ansari, Mursal Sayas, Jamila Elyas Zada et Sami Ataee au Quick Palace, l’hôtel de la banlieue parisienne où les exfiltrés de Kaboul suivis par Les Jours ont été logés à leur arrivée en France fin août 2021 (lire l’épisode 2, « Un sac, un pull, de l’eau, adieu Kaboul »). Seul Afghan dans l’équipe constituée pour les recevoir au nom de l’État français, il avait été embauché la veille du début de cette mission. « Après deux années de galères à Paris, je pensais avoir trouvé un emploi stable, tranquille », dit-il.
Le jour où il se rend à l’aéroport Charles-de-Gaulle
Mais c’est en évoquant la rencontre avec ses compatriotes à Charles-de-Gaulle que les mots lui manquent. Il reprend son souffle : « Ce n’était pas une bonne journée pour moi, résume-t-il sobrement. Quand j’ai regardé les visages de ces gens qui arrivaient de Kaboul, on aurait dit des personnes sortant du désert, couvertes de poussière. » Au Quick Palace, durant la quarantaine de ces nouveaux exilés, R. est là. Il se tient derrière le comptoir, dans l’entrée, pour répondre à leurs questions, traduire les entretiens entre les nouveaux venus et les travailleurs sociaux.