Cet article est certifié gluten-free et vous est donc vendu trois fois plus cher. Vous flairez l’arnaque ? Vous avez bien raison. Mais puisque l’industrie agroalimentaire le fait allégrement, on s’est dit qu’on pouvait tenter le coup. Blague à part, en essayant de faire des courses bonnes et bios, on a vu de la confiture, du cidre, du yaourt « sans gluten » (et même… des capotes). Sauf que ni la confiture, ni le cidre, ni le yaourt n’affiche de blé parmi ses ingrédients – ni aucune autre céréale. Aucune raison, donc, pour qu’ils contiennent cette protéine. Ça n’empêche pas, évidemment, des malins du marketing d’ajouter une mention sur leurs étiquettes, histoire de séduire le consommateur stressé (salut Jean-Claude !) et perdu dans la jungle des labels (lire l’épisode 2, « Labels, au secours ! »).
Les chiffres leur donnent d’ailleurs raison. En France, les ventes de produits labellisés sans gluten connaissent une croissance à deux chiffres et certains observateurs estiment à 11 millions le nombre de consommateurs plus ou moins réguliers. Il y a quelques mois, un « analyste senior » cité par Les Echos expliquait tranquillement qu’un produit sans gluten (le plus souvent du pain, des pâtes ou des biscuits) peut facilement se vendre trois fois plus cher que son équivalent fabriqué à base de céréales classiques (blé, orge, avoine et seigle, principalement). Il disait aussi combien ces « produits à valeur ajoutée » sont importants en période de « pressions déflationnistes ». En langage d’analyste senior, cela veut dire grosso modo : « Le prix de la bouffe baisse, il faut trouver des produits que les gens acceptent encore d’acheter cher et sur lesquels on va faire de grosses marges. »

Une question était malencontreusement oubliée dans l’article : est-ce bien utile pour le consommateur de dépenser plus pour se passer de gluten ? La réponse est oui… pour une partie de la population, bien spécifique. Ce sont les personnes atteintes d’une maladie auto-immune appelée « maladie cœliaque », qui concerne 1 % des Européens. Et les autres ? C’est-à-dire les millions de gens qui ne souffrent pas de maladie cœliaque mais déclarent se sentir mieux, plus légers et moins ballonnés quand ils se privent de gluten ? En 2015, des chercheurs italiens ont testé les réactions de ces personnes. Après quelques mois de protocole, ils ont conclu que 86 % des patients autodiagnostiqués n’avaient en fait ni allergie, ni hypersensibilité constatable au gluten.