Franck Renolleau et son frère Julien élèvent depuis 2007 120 vaches charolaises sur 160 hectares en agriculture biologique. Ils produisent « 100 % de ce dont les animaux ont besoin », jusqu’aux protéines végétales mangées par leurs bêtes. Alors que les élevages français importent chaque année des millions de tonnes de tourteaux de soja, notamment du Brésil, les Renolleau ont fait le choix de cultiver de la féverole, une alternative très économe en eau et cultivable sur le territoire français. Reste pour eux une seule incohérence dans la vie de leurs animaux : leur mort. Avec d’autres éleveurs de Loire-Atlantique, ils ont décidé de renoncer aux abattoirs et d’abattre leurs animaux directement à la ferme.
Pour comprendre leur décision, il faut reprendre un peu le fil de l’histoire. En 2016, dans l’enquête sur la viande Steak assez, Les Jours avaient raconté que la barbaque française est une grande voyageuse. Entre autres parce que l’activité s’est concentrée sur moins de 300 abattoirs à l’échelle du pays, beaucoup devenant d’immenses et opaques usines où les saigneurs « font », comme on dit pudiquement, les animaux à un rythme difficile à imaginer. De l’abattage, en somme.

La grande distribution a, elle, continué à vendre principalement la viande la moins chère, peu importe sa provenance. En avril dernier, Les Jours vous racontaient ainsi comment des agneaux de Nouvelle-Zélande ont été vendus dans des magasins Leclerc, Intermarché et Système U au moment même où les éleveurs français déploraient une surproduction… Le tout alors que toute la grande distribution jurait pourtant de vendre bleu-blanc-rouge (lire l’épisode 4, « Les supermarchés tirent sur la corde locale »).
En fait, ces éleveurs font sortir du système ce qui est probablement la meilleure viande de France. (…) Il faut rendre légale cette pratique qui est légitime et qui existe de toute façon déjà.
Comme souvent en matière de bouffe locale, c’est loin des supermarchés que les choses avancent. Dans Steak assez, un éleveur nous racontait faire tuer illégalement une partie de ses bêtes à la ferme : « J’ai un ami qui était abatteur, il vient me donner un coup de main. Il fait ça très bien, il met une balle dans la tête des bêtes, voilà. Ça a pas été évident d’oser faire ça, d’y arriver, de le faire sans culpabilité. »
Selon de nombreux connaisseurs du secteur, cette pratique est largement généralisée chez les petits producteurs, qui procèdent ainsi afin de limiter le stress et les souffrances de leurs animaux et pour garder jusqu’au bout la main sur leur production. Dans