La première balle a effleuré le gilet pare-balles de Laurent Kerstemont, sur son flanc gauche. La seconde l’a frappé à l’arrière du crâne. Le policier de 47 ans, en poste à l’aéroport de Beauvais, ne s’est jamais relevé. Le 5 février 2016, pendant un entraînement au stand de tir, l’une de ses collègues de la police aux frontières (PAF) l’a tué par accident. Monique M., 58 ans, a été mise en examen pour homicide involontaire. Tout comme Christian G., le moniteur de 55 ans chargé d’encadrer la séance. Placés sous contrôle judiciaire, ils ont aujourd’hui pris leur retraite. Les Jours ont eu accès au dossier instruit depuis bientôt trois ans par les juges de Beauvais. La mort de Laurent Kerstemont, inexplicable fait divers policier, touche à plusieurs questions sensibles : la maîtrise de l’arme de service, la qualité de la formation, la responsabilité de la hiérarchie ou encore la vulnérabilité psychologique et sociale de certains fonctionnaires.
Ce matin-là, Laurent Kerstemont n’avait même pas prévu de s’entraîner. Il a remplacé un collègue au débotté. Le moniteur, Christian G. présente le scénario à ses trois stagiaires : il s’agit de simuler l’entrée dans un logement où sont retranchés « des barbus », pour travailler les déplacements et la prise de décisions. Au moment fatal, Monique M. fait face aux cibles en papier, dans l’embrasure d’une porte factice. Sur sa droite, cinq mètres devant elle, Laurent Kerstemont est accroupi derrière un abri.