Été 1959, la canicule termine d’étouffer une jeunesse qui s’ennuie. Le général de Gaulle a repris les rênes, un an plus tôt, achevant par là même la IVe République. Celles qu’on appellera « les Trente Glorieuses » donnent l’illusion d’un bonheur consumériste. Mais la jeunesse n’en croque pas. Elle s’enchaîne 48 heures chaque semaine pour un salaire dégradé, le préjudice de l’âge. Ceux qui deviendront les baby-boomers se sentent étouffés par « les croulants », leurs parents et leur monde, le poids du passé et du futur proche : la guerre d’Algérie, les petits frères regardant les grands partir sous les drapeaux. Alors, dans l’attente angoissante de la mobilisation, dans une société qui définitivement ne semble pas vouloir leur laisser une place, ils cherchent à respirer, profiter, après le boulot, avant le mariage, la guerre… Le mercredi 22 juillet 1959, le mercure dépasse encore les 30 degrés, coup de chaud, coup de sang, square Saint-Lambert dans le XVe arrondissement de Paris, deux bandes de gamins se cherchent pour en découdre. Blue-jeans, blousons de cuir et bottes pointues. Chaînes de vélos, poings américains et os de moutons, 28 gamins sont interpellés par la police avant que n’éclate la baston. Le 23 juillet, Le Monde titre sobrement : « La bande de Saint-Lambert attendait la bande de Pernety ».
Le lendemain, une bagarre éclate dans le sud de la France, entre jeunes Bandolais et Toulonnais. Les premiers reprochant aux seconds de venir draguer « leurs » estivantes.