Mocassins à pampilles ou richelieus noirs à lacets, ceux qu’il affectionne au point d’en posséder une trentaine de paires au cossu moulin de Cossy, à Giverny, dans l’Eure ? La question a dû tarauder le grand coquet qu’est le maire de Levallois-Perret, Patrick Balkany. « Venez en mocassins et sans ceinture, cela vous évitera d’avoir l’air ridicule à la fouille, car on vous enlèvera tout ce qui est susceptible de vous faire mal. » C’est le conseil habituel des avocats lorsqu’ils défendent des cols blancs dont ils présument qu’ils vont partir en prison à l’issue de leur jugement. Il n’y a rien de plus humiliant que de devoir tenir son pantalon d’une main avant d’entrer en cellule. S’il a déjà expérimenté la garde à vue dans les cages du commissariat du XIIIe arrondissement de Paris, Patrick n’est pas du genre à se présenter un genou déjà à terre.
Mais là, c’est différent : il risque gros, le baron de Levallois-Perret. Il sait qu’il va être condamné pour fraude fiscale, puisqu’il a reconnu les faits lors du procès (lire l’épisode 10, « Patrick encaisse »). Le Parquet national financier (PNF) a réclamé une lourde peine à son encontre et le tribunal l’a suivi : quatre ans de prison ferme, dix ans d’inéligibilité pour Patrick Balkany, qui est parti immédiatement entouré de deux policiers. Il est arrivé à la prison de la Santé, à Paris, quelques minutes plus tard. Pour Isabelle Balkany, trois ans, sans mandat de dépôt.

A-t-il repensé à cette saillie cinglante d’Arnaud de Laguiche, le jeune substitut du PNF : « Toute peine autre que l’emprisonnement ferme serait une peine injuste. Il ne faut pas se venger, mais restaurer l’ordre social » ? Sa détestation des deux représentants du ministère public est la hauteur de leurs réquisitions. C’est tout juste s’il ne les a pas traités de Saint-Just au petit pied. C’est bien son genre. Non, furibard et rubicond, il a préféré : « Vous êtes aussi haineux que médiocres. » Ils avaient été plus indulgents avec Isabelle dans leurs réquisitions : quatre ans dont deux avec sursis et pas de mandat de dépôt, donc l’assurance d’échapper à la prison. Et puis, ils n’ont pas demandé d’amende : « Avec les mesures fiscales, les pénalités, pas la peine d’en rajouter ! »
Alors, ce vendredi 13 septembre, il a choisi d’enfiler des mocassins, glaçage noir. Toujours soucieux de son allure, Patrick Balkany est apparu en costume bleu pétrole, chemise bleu ciel et cravate bleu foncé devant les juges de la 32e chambre correctionnelle. Toujours bronzé.