Jacques Servier a demandé à être jugé à huis clos. Les parlementaires de la mission d’information sur le Mediator n’ont pas eu d’autre choix que d’accepter. Trois heures durant, ils vont cuisiner le PDG des laboratoires Servier, lequel s’est présenté ce jour-là entouré d’une batterie de communicants. Nous sommes en mars 2011 : le scandale du Mediator a déjà éclaté, grâce à l’alerte lancée quatre ans auparavant par la pneumologue Irène Frachon et son opiniâtre travail d’enquête (lire l’épisode 4, « Irène Frachon, cause combat »). Il aura fallu attendre dix ans de plus pour que l’affaire du Mediator soit enfin jugée et les responsabilités établies – sans Jacques Servier, décédé en 2014 à l’âge de 92 ans. Ce lundi 29 mars, la 31e chambre correctionnelle du tribunal de Paris a condamné les laboratoires Servier pour « tromperie aggravée » ainsi qu’« homicides et blessures involontaires » à 2,718 millions d’euros d’amende. Pris par 5 millions de personnes pendant trois décennies, le Mediator pourrait avoir provoqué plus de 2 000 décès. Dans ce procès historique, la présidente du tribunal, Sylvie Daunis, a conduit neuf mois d’audience interrompus par le premier confinement du printemps 2020. Lisant l’ordonnance de jugement, elle justifie ainsi la peine : « Malgré la connaissance des risques encourus, (…) les laboratoires n’ont jamais pris les mesures qui s’imposaient et ont trompé les patients sur les effets de ce médicament. » La peine est partagée par les six sociétés filiales du groupe Servier, qui « fonctionnaient de façon centralisée » comme des « prestataires » de la société mère, poursuit-elle.