De Londres
Si le grand DJ de la vie posait ses platines ce vendredi au Royaume-Uni, quelles galettes rythmeraient la sortie de l’Union européenne ? « On avance, on avance, on avance, c’est une évidence, on n’a pas assez d’essence, pour faire la route dans l’autre sens… » Évidence, en effet. Ce 31 janvier signe le point de non-retour. Jusqu’ici, Londres avait la possibilité de changer d’avis. Le Premier ministre Boris Johnson pouvait un matin se réveiller à Downing Street, les cheveux ébouriffés (pléonasme ?), avec la révélation : « By Jove, en fait nous nous sommes trompés, le Brexit c’est idiot, construisons plutôt un pont au-dessus de la Manche. » Et Bruxelles aurait gardé le Royaume-Uni bien au chaud dans son giron. « Comme dans ces nouvelles pour dames de Somerset Maugham. » Ce vendredi, minuit, fini. « Tu vois pas tout ce qu’on dépense ? », fredonne Alain Souchon dans la chanson. En fait, on voit. Ce jour de Brexit, ou demain peut-être, le Royaume commence à se délester d’environ 36 milliards d’euros. La fameuse facture du Brexit, pour solde de tout compte. Vous l’entendez tinter, le tiroir-caisse des Pink Floyd ?
Ami lecteur, amie lectrice, on ne voudrait pas écorcher virtuellement tes oreilles, mais pour bercer le grand départ, on a failli opter pour Le Téléphone pleure. Parce qu’au bout du fil des Jours, il n’y a personne (ou presque). Tout occupés que sont les brexiteurs à brexiter, les anti-Brexit à manifester ou pleurer, les députés européens britanniques à vider leurs bureaux. Ou à chanter. Ce n’est qu’un au revoir, entonnée dans la version originale ce mercredi au Parlement de Bruxelles par les europhiles, après le vote définitif de l’accord sur la sortie de l’Union européenne. Brexit jacta est. « Auld Lang Syne », psalmodient des parlementaires debout, avec un petit peu de français dans le texte. Pour la traduction, ça donne à peu près ça : « Et bien sûr, tu payeras ton verre, et bien sûr, je payerai le mien, et nous prendrons un verre en toute amitié, en souvenir du passé. » L’histoire ne dit pas s’il s’agira de bière brune ou de vin rouge. Certains des 73 élus britanniques portent des écharpes genre supporters de foot, cadeau du député travailliste des Midlands Rory Palmer. « Always united », toujours unis, est-il écrit autour de leur cou. Le jeune travailliste londonien Seb Dance serre dans ses bras un Rory Palmer en larmes.