De Londres
En matière de Brexit, en ce moment, il est question de gens et d’argent. De gens, d’abord, parce que derrière le vote pour le divorce, se cachait (mal) la volonté de « reprendre le contrôle » des frontières. Le slogan préféré des brexiteurs a été traduit en équation la semaine dernière par Priti Patel, la très Johnson-phile ministre de l’Intérieur du gouvernement conservateur. Il s’agit de demander aux aspirants British, dès la fin de la période de transition, en décembre prochain, de remplir neuf critères pour entrer sur le territoire. Neuf critères dont chacun rapporte des points et dont trois sont obligatoires : avoir une offre d’emploi (plus 20 points), une formation adaptée à ce métier (plus 20 points) et parler anglais (plus 10 points). Ajoutez un salaire minimum de 20 000 livres sterling (23 300 euros) par tête et par an. À moins de 70 points, vous pouvez dire adieu à vos rêves britanniques.
« Si ces règles étaient déjà en place il y a vingt ans, je ne serai pas venu au Royaume-Uni », fulmine l’infirmier Joan Pons Laplana, dont Les Jours auscultent la colère depuis que se dessine le Brexit. Arrivé de Barcelone, sac au dos, à 25 printemps, il devait passer un an Outre-Manche, et puis il est resté. Il a aujourd’hui deux enfants britanniques. Mais nul doute que le nouveau système l’en aurait dissuadé, assure celui qui est aujourd’hui affecté à l’hôpital de Chesterfield, à 240 kilomètres au nord de Londres. Sur le papier, ce calcul n’a pourtant pas de quoi le rendre malade. D’abord, parce qu’il ne s’applique pas aux Européens déjà installés. Ensuite, parce qu’il ne concerne pas les infirmiers, ni les médecins, pour qui le gouvernement entend créer un « visa rapide ».

Mais la vie ne s’arrête pas au visa. Joan s’agace déjà à imaginer les difficultés des futurs immigrés à faire venir leurs familles. Le risque de ne plus pouvoir visiter les leurs au Royaume-Uni s’ils décidaient de prendre leur retraite ailleurs. Les efforts pour payer la taxe sur la santé, qui leur donne justement accès au NHS, le système de santé britannique. « Moi-même je vais devoir payer cet impôt qui est aujourd’hui réservé aux ressortissants de pays tiers, indique l’infirmier énervé. 600 livres [711 euros] par an ! Imaginez si ma famille n’était pas britannique, j’en aurais pour 2 400 livres annuelles ! [2 800 euros]. » Il y a son cas particulier bien sûr. Mais c’est celui de tout le système de santé qui l’inquiète.