Mis en place dans les mairies lors de la crise des gilets jaunes, les cahiers de doléances sont désormais loin des regards, dans les archives départementales. Coups de gueule, idées, encouragements : les citoyens y interpellent Emmanuel Macron. Cet été, tous les midis, « Les Jours » vous en partagent un extrait, brut.
«Je m’adresse à ces autorités qui nous gouvernent avec double casquette : je suis retraitée de l’Éducation nationale depuis peu d’années et je fais partie de cette catégorie de retraités qui a subi l’une des premières réformes fiscales du mandat présidentiel : hausse de la CSG (j’avais bien noté cette question dans le programme présidentiel et je n’étais pas hostile, mais le taux choisi était beaucoup trop important et a beaucoup pénalisé cette catégorie de la population).
Sachez que je donnais depuis des années une contribution à ma fille pour mieux vivre sa vie active et familiale. L’augmentation de ce prélèvement, le coût de la vie à Paris et, donc, le blocage des salaires et des pensions m’a obligé à arrêter cette contribution. Eh bien dites-vous bien que ma fille qui travaille a perdu beaucoup plus avec l’arrêt de ma contribution par rapport à sa petite baisse de charges sociales et donc son salaire disponible. Un grand nombre de parents retraités aident ou aidaient leurs enfants, vous nous avez privés de ce geste et je crois qu’il y avait d’autres pistes pour donner un coup de pouce à cette France active qui effectivement doit être encouragée.
Mon autre contribution à ce débat, c’est celle de l’ancien personnel de l’Éducation nationale que j’ai été pendant trente-sept ans : professeur puis personnel de direction les douze dernières années. Notre école est malade et depuis très longtemps : personnel spécialisé dans l’enseignement professionnel, j’ai assisté année après année à la dégradation de notre autorité, à des insultes, des menaces (j’en ai été l’une des nombreuses victimes) sans qu’aucune autorité hiérarchique n’ait été sensible à nos alertes. Oui, l’autorité de l’enseignant est bafouée : par notre hiérarchie directe (proviseurs frileux qui veulent être bien vus par le rectorat), par les parents qui n’ont plus d’autorité sur leurs enfants mais qui prennent très facilement le parti de leur progéniture quand ils sont convoqués !
L’État n’a jamais été du côté des enseignants et ce n’est pas parce que, une ou deux fois par an, un ministre a une petite phrase de bienveillance que le reste des Français nous préservent. Combien de conversations autour d’un repas arrivaient sur le sujet de “nos vacances”. Ah les vacances des enseignants, quel scandale ! Et d’expliquer invariablement que les vacances autrefois n’étaient pas payées aux enseignants car ce sont les enfants qui étaient en vacances, pas les enseignants (c’est à cette époque que les enseignants faisaient des colonies de vacances pour avoir un revenu pendant ces périodes). Enfin, en sous-payant le personnel enseignant, en bloquant les salaires depuis des années, comment voulez-vous que ce personnel se sente valorisé ?
La moralité de cette crise grave, c’est que nous ne sommes plus dans la période des Trente Glorieuses et que ma génération qui en a profité n’a pas su en sortir par le haut mais par l’emprunt, il n’y a pas de quoi être fier. Nos politiques ont acheté la paix sociale par la fuite en avant de budgets en déficit permanent. Ceux qui sont en colère aujourd’hui, une grande partie des jeunes adultes, ont eu le modèle de leurs parents baby-boomers et ne peuvent plus y prétendre aujourd’hui : frustration évidente !!!
Bonne chance à ce grand débat !
Un additif, peut-être anecdotique par rapport aux enjeux de ce débat mais… les 80 km/h !! Je suis une Parisienne qui a été élevée à la campagne et je retourne aujourd’hui comme grand-mère dans cette même campagne avec mes petits-enfants. J’ai fait la route N4 des dizaines de fois, aujourd’hui pour la deuxième fois, j’ai été “flashée” pour excès de vitesse. Oh pas beaucoup : 53 km à l’heure au lieu de 50, mais 180 euros et un point !
Sur cette route qui est très bucolique aujourd’hui, nous avons des tronçons à 110, 90, 80, 50, 30 km/h. Je roule en ayant l’œil en permanence sur mon compteur, plus question de profiter de la campagne ! Alors s’il vous plaît, oui les habitants des campagnes ont raison : ces lois de restrictions sont des “pompes à fric” pour les caisses de l’État. Arrêtez tout cela ! »