Vanessa est psychologue clinicienne et psychothérapeute. Elle intervient surtout dans des centres de dialyse en Île-de-France, où le poids de la maladie rénale et l’idée de dépendre d’une machine rendent le besoin d’un suivi psychologique essentiel. Pour ces malades chroniques qui ont souvent une vie déjà compliquée et isolée, la crise du coronavirus est un défi supplémentaire à affronter. Dans cette « petite famille » de patients, soignants et proches, tout le monde essaye de traverser la tempête comme il peut.
«Les patients qui sont en dialyse font partie des personnes fortement à risque, notamment parce que l’insuffisance rénale est souvent une complication du diabète ou de l’hypertension artérielle. Ils sont donc très fragiles et, sur les deux centres où je travaille à Paris, on a déjà eu plusieurs décès. C’est terrible pour tout le monde parce qu’il y a une sorte de loterie qui s’est mise en place. C’est compliqué à accepter. Avec ma collègue, on voit les patients qui vont le plus mal sur le plan psychique, qui sont parfois dans des conditions de vie très précaires. Eux sont déjà en rupture de liens et, les rares qu’ils ont pu tisser, ils sont dans l’impossibilité de les maintenir. C’est très difficile pour eux, c’est pour ça qu’on a tout fait pour maintenir le contact, même à distance.
La dialyse, c’est un soin chronique. Les patients viennent trois fois par semaine pendant quatre heures. Ils connaissent les autres patients, les soignants. Pour certains, ça va rester la seule sortie possible en temps de confinement, ça maintient un repère. Mais pour d’autres, cette unique sortie est excessivement angoissante parce qu’ils font partie d’une population très à risque. J’ai un patient qui a été amputé et qui était hospitalisé au début de la crise, mais l’hôpital a fait le choix de le renvoyer chez lui. Sauf qu’il ne peut pas marcher parce que sa prothèse est trop lourde, même dans son appartement. Il est complètement seul et il doit faire avec les trois repas que la mairie lui porte chaque semaine. Alors il fait des demi-repas et une voisine le dépanne. Je l’appelle deux à trois fois par semaine.
Beaucoup de mes patients sont dans des conditions comme ça. Parfois, ils sont migrants (lire l’épisode 11, « “Il y a une urgence à organiser la continuité des soins en santé mentale” ») et sont venus pour les soins parce qu’il n’y a pas de dialyse chez eux, ou ont décompensé leur insuffisance rénale pendant leur séjour en France et sont restés pour être soignés.