Paris, 2017. Un jeune trentenaire court les soirées parisiennes où il se présente comme un magistrat du parquet. Aux quelques journalistes qu’il rencontre à l’occasion, l’élégant gaillard distille des informations anodines et crédibles sur des procureurs en poste ou des affaires qui font l’actualité. Il plaisante également sur son âge, qu’il admet un peu tendre pour être affecté au prestigieux tribunal de Paris. Forcément, glisse-t-il, honnête, il est pistonné. Il suffit d’ailleurs qu’au détour de la conversation, il appuie un peu trop sur son patronyme pour que son interlocuteur comprenne tout seul : en cette fin de présidence Hollande, tout le monde connaît le secrétaire d’État Jean-Marie Le Guen. Malgré ses privilèges, cet affable parquetier, toujours disponible pour une précision, paraît compétent. À tel point qu’une journaliste l’invitera aux frais de sa rédaction pour un déjeuner professionnel quand une autre l’emmènera faire le tour de celle de BFMTV, qu’il rêve de visiter.
Vous l’avez deviné, ce magistrat n’en est pas un et c’est Cory Le Guen. Comme à son habitude, il va aller trop loin. À commencer par ce jour où, l’air de rien, il laisse fuiter une grosse info que le service police-justice d’une rédaction parisienne ne parviendra jamais à recouper. Ou bien lorsqu’il en lâche une autre, vérifiable cette fois, qui se révèlera fausse. Une journaliste apprend bientôt que Jean-Marie Le Guen n’a que des filles. Une autre découvre à l’intrigant un casier judiciaire bien fourni. Une dernière plie le match : il n’y a aucun Cory Le Guen sur la liste des magistrats de Paris. Si elles rient jaune de cet arnaqueur qui les a embobinées, ses victimes se rassurent toutefois, plus de peur que de mal. Et au fil du temps, les quelques journalistes au parfum oublient ce loustic dont l’histoire ne se raconte plus qu’en soirée, pour se marrer.
Plusieurs années après, certains le verront, stupéfaits, participer aux tests de présentation à BFMTV, auxquels il échouera par deux fois, en 2021 et 2022. Car celui qui, entre-temps, a été condamné pour s’être fait passer pour le neveu de Brigitte Macron (lire l’épisode 1, « Cory Le Guen, celui qui voulait être tout ») est désormais détenteur d’une carte de presse et se présente dans tout Paris comme un journaliste spécialiste des questions carcérales. Dans sa constante quête de lumière, Cory Le Guen a une idée fixe : se faire un nom dans ce milieu qui le fascine.