Et si rien n’était vrai ? Voilà dix épisodes que nous présentons les cosmétiques français comme les meilleurs du monde, les plus glamours, toujours à la pointe de l’innovation (et de l’exagération). Mais après tout, qu’en savons-nous ? Les chiffres à l’export, on leur fait dire ce qu’on veut. Il suffit de changer la définition de cosmétique – par exemple en excluant les parfums – et la France n’est plus en tête. C’est comme Mireille Mathieu. Mégastar au Japon ? Dans ses rêves. Pas fou, les Japonais. Au contraire. Des clients avertis. Exigeants. Soupçonneux. Un marché impénétrable, ou presque.
Nous y sommes allés. Et nous avons vu. L’Oréal, L’Occitane, Clarins, Dior, La Roche Posay, Louboutin maquillage : les marques françaises sont présentes dans les magasins japonais, et en force. Le consommateur local, qui dédaigne nos voitures sous des prétextes futiles (elles tombent en panne, disent-ils), qui a toujours snobé le Minitel et qui rit du TGV, aime nos cosmétiques. Le rayon dédié, chez Hankyu Umeda, est un peu le nôtre. L’Occitane en Provence vend des savons « extradoux lavande au beurre de karité made in France », en version originale dans le texte. Le stand est la copie conforme de son frère hexagonal. Tout est écrit en français, doublé de panneaux et d’ardoises portant les traductions japonaises. Les clientes recherchent visiblement la touche française. Elle est là, et bien là. Sur tous les murs, à chaque présentoir, fleurissent des appellations bien de chez nous : « beauté », « jeunesse du corps », « rose beauté », etc. De là à dire qu’on se sent comme au pays, il y a un pas, et un grand, à la mesure des dimensions du département cosmétique de Hankyu.
Ce n’est pas ce qu’on appellerait la cohue. Des flux de clientes évoluent en tous sens, mais sans jamais se heurter. Il n’y a pratiquement pas de file d’attente aux caisses. Une cliente sur deux paye avec la puce sans contact de son téléphone portable. Des bataillons de vendeuses en tailleur noir enregistrent les commandes. Elles sont douze, rien que sur le stand de 25 m2 de la marque japonaise Ipsa (inconnue à l’étranger). Combien peuvent-elles être au total ? Un peu de calcul. L’étage cosmétique du grand magasin compte six allées d’une centaine de mètres de longueur. Il y a une douzaine de stands par allée, avec huit vendeuses en moyenne, ce qui nous fait dans les 576 conseillères beauté, concentrées sur la surface d’un terrain de foot.