C’est vrai, il était menteur. D’accord, il piquait dans la caisse. Oui, il avait un casier judiciaire. Un million d’euros d’amende en 2007 pour « information inexacte et trompeuse », cinq millions d’amende en 2009 pour délit d’initiés. Il n’empêche, dans le réseau de magasins de cosmétiques Marionnaud, les salariées qui l’ont connu regrettent monsieur Frydman (1931-2015). Il fut doux, le temps où ce patron atypique et paternaliste régna sur la chaîne aux 1 300 points de vente. La bedaine en avant et la cigarette à la main, Marcel, affectueusement surnommé « Papy » en interne, roulait ses actionnaires dans la farine, mais il respectait ses vendeuses. « On était aux 33 heures sur quatre jours, payées 35 heures », soupire Virginie Corre, déléguée CGT et manager du Marionnaud de Maisons-Laffitte.
Spécialisé dans la confection, l’homme d’affaires Marcel Frydman avait racheté un magasin de cosmétiques en 1984 pour occuper sa femme, qui s’ennuyait. Les affaires tournaient tellement bien qu’il en était venu à constituer un réseau de 48 boutiques, avant de racheter ses magasins à son concurrent Bernard Marionnaud (1933-2015) en 1996. L’ensemble dépassait Sephora, groupe LVMH. Deux ans plus tard, leader en France avec 30 % de parts de marché, implanté en Italie, Espagne et Pologne, il introduisait sa société au second marché de la Bourse de Paris. Las, chez Marionnaud, on ne maquillait pas seulement les clientes, mais également les comptes.
En 2005, les malversations apparaissent au grand jour. Marcel Frydman est contraint de vendre à des Chinois de Hong Kong, AS Watson, filiale de distribution de Hutchison Whampoa. Avec ces gens-là, l’actionnaire peut dormir tranquille. Les salariés, en revanche, ne sont pas à la fête. En 2014, la quasi-totalité du comité exécutif a été remplacée. Les cadres de direction valsent. S’ils veulent parler à la présidente, il faut le faire en anglais. La Singapourienne Eileen Yeo ne parle pas un mot de français et ne manifeste aucune intention de l’apprendre. Quant au petit personnel, il trinque. « La nouvelle mode, c’est les contrats de 24 heures hebdomadaires payées au smic », explique Virginie Corre. Soit 800 euros net par mois. « Impossible de trouver du personnel qualifié pour travailler dans ces conditions. On prend des jeunes sans expérience. Marionnaud veut clairement virer les salariés qui ont de l’ancienneté. »

En décembre 2016, le groupe a annoncé un plan de départ pour les plus de 58 ans. En interne, le soupçon grandit.