Ça faisait presque un mois que Les Jours n’avaient pas pris rendez-vous chez le docteur Yannick Gottwalles, chef du pôle des urgences de Colmar. On l’avait laissé inquiet, au lendemain de l’annonce du déconfinement pour le 11 mai : il avait constaté une recrudescence de cas de Covid dans son hôpital. Il faut dire que, quand on exerce dans une des régions les plus touchées et touchée en premier, il y a de quoi se faire du mouron. Pour Yannick Gottwalles qui, très tôt, avait alerté sur la situation catastrophique dans le grand Est et sur ses conséquences, le déconfinement est-il une libération ?
Quelle est la situation à Colmar ?
Elle est mitigée et compliquée dans le sens où on a plusieurs patients par jour qui sont malades du Covid et ça pose des soucis par rapport à la gestion des autres patients qui ont recommencé à revenir à l’hôpital : il ne faut pas qu’il y ait d’interférences entre les deux.
La dernière fois que nous nous sommes parlé, vous aviez constaté une légère réaugmentation, qu’en est-il aujourd’hui ?
Cette légère réaugmentation est devenue un plateau. Ça signifie qu’on n’est jamais revenu à zéro. On a en permanence au sein de l’établissement entre 70 et 90 patients Covid qui sont hospitalisés, on n’est jamais descendus plus bas que ces chiffres-là. Ça reste un flux important de patients et des patients qui sont en réanimation très prolongée avec toute la complexité que ça implique.
Comment ça s’organise ?
On a réorganisé notre service en nettoyant les zones qui étaient initialement affectées Covid, on a réorganisé les circuits de patients pour s’adapter à la situation. Même si la tension initiale n’est plus là en termes de charge de travail et de nombre de patients, on a quand même une tension qui perdure parce qu’on navigue à vue.
Donc les urgences n’ont pas repris une vie normale ?
Non, loin de là. On a repris une vie normale dans le sens où les patients qu’on voyait habituellement reviennent. Mais ils se mélangent à une population où il y a toujours une suspicion de Covid. Et même chez les patients habituels, il peut y avoir des Covid.
Comment vont les équipes ?
C’est variable aussi, il y a des équipes qui restent encore dans la phase excitatrice de la prise en charge où ils travaillent avec beaucoup de services rendus à la population. Il y en a qui commencent à être très fatigués, à être épuisés, à être sur les genoux, à être irritables. Et il y en a d’autre qui ont passé ce cap.
Déjà pour qu’on parle de “déconfinement”, il aurait fallu qu’il y ait un confinement très strict.
Est-ce qu’aujourd’hui vous voyez les effets du déconfinement ?
Déjà, pour qu’on parle de « déconfinement », il aurait fallu qu’il y ait un confinement très strict, ce qui n’a pas été franchement le cas en France.