«Toi, tu vides le magasin, moi, je vide mon cœur », lance Alexandre. Dans l’arrière-boutique du magasin Chaussexpo à Pornic, en Loire-Atlantique, le jeune homme de 36 ans s’apprête à nous livrer sa vie malgré les allées et venues de ses collègues. Ce jour-là, les chaussures sont bradées à 3 euros. Le magasin, comme tant d’autres enseignes, va bientôt mettre la clé sous le paillasson. On déstocke. Alexandre aussi.
Casquette vissée vers l’arrière, chemise à carreaux ouverte sur un t-shirt, baskets, piercing et boucle d’oreilles, il a du lourd à vider. Sa mère ? La vie d’une femme, Laurence, passée entre les bras d’hommes violents, mais qui se remet désormais : « Je ne lui ferai sans doute pas lire cet article », prévient-il. Son père ? C’est aussi toute une histoire. Celle de Jean-François qui a un jour filé à l’anglaise, comme certains descendent acheter des allumettes sans jamais revenir : un disparu (lire l’épisode 1, « Disparus sans laisser de traces »). Pendant près de vingt ans, Alexandre a enseveli l’absent dans sa mémoire « pleine de trous », avant de se décider à le chercher, de le retrouver et lui poser toutes les questions qui lui tordaient le ventre. Mais les retrouvailles ne sont pas toujours celles qu’on espérait…
Alexandre naît en Isère de Laurence, âgée alors de 19 ans, et de Jean-François, « trois ou quatre ans de plus », il ne sait pas très bien. Le jeune couple vit chez Lucette, la grand-mère maternelle à Bourgoin-Jallieu, avec la sœur de Laurence.