Laure, la trentaine passée de peu, fait ses premiers pas dans la vie sans travail. Elle trouve ça « bizarre ». SFR était son premier vrai job. Elle est entrée au service clients à 21 ans par le hasard d’une petite annonce, puis est finalement restée une décennie qu’elle n’a pas vue passer. Elle a quitté l’entreprise avec le plan de départs volontaires il y a plusieurs semaines. En quelques mois, SFR a discrètement supprimé 5 000 postes, le plus gros plan social aujourd’hui en France, que Les Jours ont décidé de raconter depuis plusieurs mois dans cette série (lire l’épisode 1, « Le plan D, comme discret »). Laure ne comprend pas pourquoi personne n’en parle « dans les médias ». En revanche, dans les médias, justement, elle a vu et entendu ces derniers temps Patrick Drahi, ou le nouveau PDG de SFR Alain Weill, expliquer en long et en large que désormais, leur priorité, c’était le client, « l’obsession du client » , le « client-centrisme » (lire l’épisode 11, « SFR flashé en excès de confiance »). Pour Laure, le discours est difficile à avaler. Car, dans le même temps, le service clients de SFR a été liquidé : transféré vers une filiale franco-marocaine (Intelcia) et expurgé de la quasi-totalité de ses 1 500 salariés. Laure est bien placée pour le savoir : elle aura été l’une des dernières employées de ce service créé vingt ans plus tôt et où il reste, selon nos informations, moins de 40 salariés, dont une partie en absence longue durée.
Laure travaillait à « la ret’ », c’est-à-dire la rétention des clients. Elle devait retenir ceux qui souhaitent changer d’opérateur. Laure a longtemps été très fière de travailler pour SFR. Elle parle de l’époque où le service clients décrochait les premières places dans les classements de satisfaction. Avant les externalisations à répétition. « On a été le site-vitrine de SFR », précise-t-elle à plusieurs reprises. Elle m’explique qu’elle aime bien la gagne. Qu’elle « adore » son boulot. Et puis se corrige :