Ce qu’il reste de l’ancien service clients SFR de la région parisienne tient désormais autour de quelques tables de bar. Je me fais la réflexion en observant la poignée d’hommes et de femmes venus me rencontrer ce début décembre dans une brasserie de Champs-sur-Marne, à l’est de Paris, à quelques pas des bâtiments d’Intelcia, l’entreprise franco-marocaine de centres d’appels vers laquelle ces anciens salariés de SFR ont été transférés il y a tout juste un an. Il y a tout juste un an, justement, Les Jours entamaient Le plan D, cette série visant à raconter cet invisible, filandreux et massif plan social. 5 000 emplois supprimés sur 15 000 dans un silence feutré. Dont ce fameux service clients, vitrine de l’opérateur au carré rouge, voué à être transféré vers un sous-traitant, Intelcia, racheté entre-temps par Patrick Drahi. Depuis un an, je raconte l’histoire de cette saignée sociale, ce qui se cache derrière l’expression « départs volontaires », je raconte ceux qui sont partis et aussi ceux qui sont restés. Comme cette poignée de techniciens et conseillers de feu le service clients, qui pensaient pouvoir survivre à ces grandes lessiveuses humaines que sont un plan de suppression d’emplois et une fusion-absorption. Ils ont connu les deux. Et leurs mines sont pâles.
Le service clients de SFR, un peu comme les boutiques, incarne la partie visible de l’entreprise, le point de contact, et souvent de friction, avec les abonnés. Ce sont ceux qui encaissent frontalement les mécontentements des clients face à une politique de hausse des prix et de baisse des services qu’ils n’ont pas choisie mais doivent défendre. Ce sont aussi les petits salaires du groupe Altice : au service clients, le salaire moyen était de moitié inférieur au reste du groupe (23 000 contre 43 000 euros annuels), et les cadres y sont plus rares. Ils sont les premiers visés par les baisses de coûts. Depuis dix ans, les postes sont massivement supprimés, externalisés et, au bout du bout, délocalisés à l’étranger. Pourtant, jusqu’ici et malgré la politique de cost-killer de Patrick Drahi, il faisait meilleur travailler chez SFR qu’ailleurs. Les salaires y étaient plus élevés, les avantages plus nombreux que chez les concurrents. C’est pour cela qu’au moment du plan de départs, et malgré l’annonce de leur transfert chez Intelcia, quelque 900 salariés du service clients sur 1 500 ont décidé, dans un premier temps, de rester à leur poste. Ils devaient pourtant déménager, changer de département.