Les guillemots de Troïl sont tombés comme des mouches sur la grève. Par dizaines de milliers, les promeneurs les ont retrouvés échoués sur le sable, sur 6 000 kilomètres de côte pacifique, de la Californie à l’Alaska. Les oiseaux marins étaient émaciés, décharnés, morts de faim. C’était en 2015. Le mois dernier, une étude parue dans la revue scientifique Plos One a avancé le chiffre final de 1,2 million de cadavres, dont la très grande majorité probablement disparus en mer, et une explication. Le bourreau des volatiles est un monstre sans tête, appelé le « blob ». Tel est le surnom
En modifiant la composition du zooplancton, aliment de base dans les océans, cette vague de chaleur a provoqué la famine à tous les étages de la grande machine du vivant aquatique. Les sardines, harengs et anchois s’en sont trouvés moins nombreux qu’à l’habitude, moins nourrissants aussi pour leurs prédateurs. Les gros poissons comme la morue du Pacifique, dont le métabolisme a été affecté par la chaleur, ont dû manger plus que de coutume ces petits poissons déjà en sous-nombre. Les guillemots sont arrivés en piqué sur ce domino infernal. Il est pourtant bon chasseur, ce bel oiseau noir et blanc de 40 centimètres, capable de plonger à plus de 100 mètres de profondeur pour traquer sa proie. Mais cette fois, il n’y avait que des ombres. Et les guillemots sont morts de faim, tout comme de jeunes otaries et des baleines, victimes finales de ce jeu de massacre.

Le sanguinaire « blob » n’est pas seul. En mars dernier, une équipe internationale a analysé ces phénomènes caniculaires, caractérisés par des températures anormalement chaudes de l’eau pendant au moins cinq jours consécutifs. Les vagues de chaleur marine ont augmenté de 50 % en trente ans par rapport à la première moitié du XXe siècle. Leur fréquence, leur durée et leur intensité s’accentuent. Comparables à des feux sur la terre ferme, comme