À l’ombre de la pandémie de Covid-19, les humains retiennent leur souffle et les pangolins respirent. Ce petit mammifère écailleux fait en effet partie de la liste des suspects dans la transmission du virus Sars-CoV-2 à l’homme. La scène du crime est un marché de Wuhan, dans la province du Hubei, en Chine centrale, en décembre dernier. Et pour l’instant, on compte plus de 3 500 victimes dans le monde. Même si des scientifiques chinois de Guangzhou ont isolé un virus à partir de pangolins, dont la séquence génétique est à 99 % similaire à celle du coronavirus, le doute plane néanmoins et le sort du mammifère n’est pas encore scellé. On échafaude certes l’hypothèse qu’il a servi d’intermédiaire entre une chauve-souris, réservoir naturel du coronavirus, et un humain qui passait au marché. Les enquêteurs demanderont ce que fichait sur un marché de Wuhan le pangolin, cet habitant des forêts tropicales africaines et asiatiques, nocturne et solitaire, à l’excellent odorat et grand amateur de fourmis. On leur répondra qu’il attendait probablement de finir en civet ou en poudre, bien que son commerce soit formellement interdit.
La chair du pangolin, réputée délicate, ainsi que ses écailles, utilisées dans des compositions de médecine traditionnelle, font en effet son malheur. D’après l’ONG Traffic, ce sont 120 tonnes des huit espèces de pangolins répertoriées, sous forme de morceaux, d’écailles ou de bêtes vivantes, qui sont illégalement vendues sur les marchés internationaux chaque année, soit un million de pangolins en moins d’une quinzaine d’années, en majorité à destination de la Chine, avec pour effet de voir sa trombine épinglée sur la liste internationale des espèces en danger. L’empire du Milieu, dans son entreprise express de limitation de la propagation du coronavirus, ayant interdit les marchés d’animaux vivants tout comme les rassemblements de vivants tout court, le pangolin va-t-il souffler un peu ? Rien n’est moins sûr, hélas pour lui.

En novembre 2002, un autre coronavirus, le Sars-CoV, responsable du syndrome respiratoire aigu sévère (Sras), avait été transporté de la chauve-souris aux humains, par l’intermédiaire d’une autre bête sauvage, la civette palmiste masquée. Ce non moins mignon petit carnivore forestier était également vendu vivant sur des marchés de la province de Guangdong, dans le Sud du pays, recherché comme un met rare et de ce fait chassé et stocké avec ses congénères à l’abord des villes dans des sortes de « fermes ».