Chicago, envoyée spéciale
Sam et Dante sont de bons amis. Ils ont la vingtaine et ont été en classe ensemble à Kenwood, dans le quartier de Hyde Park, à Chicago. Sam est le fils aîné de Michael et Joy, et le petit-fils de Martha (lire l’épisode 1, « À Chicago, les petites mains démocrates »). Kenwood est le lycée de son district. Dante, lui, n’habite pas à Hyde Park mais à Englewood. Dans les années 1920 et 1930, c’était un quartier de petites maisons individuelles peuplé d’ouvriers d’origine irlandaise ou allemande employés dans les grands abattoirs de la ville. Il n’y a plus de Blancs aujourd’hui. Dante a bénéficié d’un programme spécial parce qu’il était bon élève. Sam étudie désormais en Californie ; Dante apprend le journalisme (sportif) à Chicago. L’un est blanc, l’autre noir.
Je retrouve Dante dans un café de Hyde Park. Il commande un jus et un gâteau trop crémeux à son goût. « J’aime ce quartier. Ici, je me sens en sécurité par rapport à mon quartier qui est miné par les crimes, la pauvreté. Il y a des trous dans les trottoirs, des gravats. Les maisons sont en mauvais état, personne ne les répare. Et même à l’école, on ne se sent pas à l’abri. Les histoires de gangs ont des répercussions à l’intérieur des établissements, les classes sont bondées. »
Dans la communauté afro-américaine, on ne se dit pas “Good bye” ou “I love you” quand on part. On se dit “Be safe”.
À Kenwood, Dante m’explique qu’il a pu bénéficier de bons professeurs et d’un environnement stimulant. Chaque matin et chaque soir, il prenait deux bus. Une heure et demie de trajet par jour. « Mais cela en valait la peine. Et j’en connais qui mettent une heure et demie uniquement pour rentrer chez eux. » Le père de Dante, un vétéran de la guerre du Golfe, est facteur ; sa mère, aide à domicile pour personnes âgées. Tous les deux sont nés à Chicago. « Ici, dans la communauté afro-américaine, on ne se dit pas “Good bye” ou “I love you” quand on part. On se dit “Be safe” (Fais attention à toi). »
Sam était le seul Blanc de sa bande d’amis. Quand ils traînaient ensemble, par exemple au bord du lac Michigan qui borde Hyde Park, si la police arrivait, c’est toujours lui qui allait leur parler.