Depuis 1986, toutes les enquêtes antiterroristes sont centralisées à Paris, les procès se déroulent dans une chambre correctionnelle et une cour d’assises spéciale. Depuis 2006, l’application des peines fait aussi l’objet d’un traitement à part : un juge d’application des peines spécialisé suit tous les condamnés pour terrorisme (ils sont aujourd’hui 254). Il peut leur accorder – ou leur refuser – une libération conditionnelle, un bracelet électronique, une semi-liberté… Au-delà des critères habituels de réinsertion, il obéit à une exigence particulière au terrorisme : garantir l’ordre public. Son pire cauchemar : qu’un condamné arrive à le berner et commette un attentat pendant un aménagement de peine.
Pendant dix ans, le juge d’application des peines en matière de terrorisme (ou « Japat ») est resté tout seul avec sa greffière, au milieu d’une galerie d’instruction du palais de justice de Paris. Depuis le 29 août, un deuxième poste – à mi-temps – a été pourvu.
Compétent sur tout le territoire, le Japat a souvent recours à la visioconférence pour mener ses audiences avec les détenus. Le premier magistrat à occuper cette fonction, Bernard Lugan (parti à la retraite en 2013), a suivi les détenus d’Action directe Jean-Marc Rouillan et Nathalie Ménigon, le Basque Filipe Bidart, ou encore l’un des personnages des Jours, Kamel Daoudi, alors incarcéré à Clairvaux. Il lui avait refusé une libération conditionnelle « en visioconférence, ce qui déshumanise un peu le lien », se souvient l’ancien condamné. D’autant qu’à l’époque, il y a une dizaine d’années, il y avait pas mal « d’incidents techniques ».
En 2013, un nouveau magistrat expérimenté a repris le poste : Vincent Le Gaudu. « Il ne vous parlera pas », prévient-on à la présidence du TGI (tribunal de grande instance) de Paris. Effectivement, nos demandes d’interview ne trouvent aucun écho favorable depuis trois mois. C’est la nouvelle politique de la maison, éviter « la personnalisation » sur tous les sujets liés au terrorisme. Hormis François Molins, plus aucun magistrat spécialisé n’accepte d’être nommément cité dans la presse. Officiellement, en raison des menaces qui pèsent sur eux, ce qui est une partie de l’explication. Officieusement, pour qu’aucun magistrat (en particulier à l’instruction) ne prenne la grosse tête. Le temps des « stars » de l’antiterrorisme – de Jean-Louis Bruguière à Marc Trévidic – est révolu.