Souvenez-vous de 2015, cette année qui a si mal commencé et si mal fini. Après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher, puis après ceux du 13 Novembre, les tribunaux de toute la France se sont retrouvés face à un public nouveau : les personnes jugées pour apologie du terrorisme. Elles ont crié « Vive Daesh ! » à la vue d’une patrouille de police, ou écrit sur Facebook que les frères Kouachi avaient raison. Depuis quelques semaines, Les Jours ont entrepris de recenser toutes les condamnations de 2015 et 2016, à partir d’articles de presse qui relatent les faits, les procès et les peines prononcées. Un travail laborieux, toujours en cours, mais nécessaire pour évaluer la façon dont la justice s’est emparée de ce nouveau délit d’apologie du terrorisme.
En parallèle, nous avons demandé au ministère de la Justice de nous fournir les chiffres les plus détaillés possibles, et en avons reçu quelques-uns, significatifs. Extraits du casier judiciaire national, ils portent uniquement sur 2015. Les condamnations de l’année en cours, comme celles de Kévin ou de Jean-Marc Rouillan, ne sont pas encore complètement synthétisées. D’après ces chiffres de 2015, les tribunaux français ont prononcé 332 condamnations pour provocation au terrorisme et apologie du terrorisme, dont 17 concernent des mineurs.
Jusqu’à la loi Cazeneuve du 13 novembre 2014 (et jusqu’aux attentats de l’année 2015), l’apologie du terrorisme était un délit de presse très peu utilisé : quatorze condamnations entre 1994 et 2014, soit moins d’une par an, d’après les chiffres du ministère de la Justice. Il est désormais puni de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, voire sept ans de prison et 100 000 euros d’amende lorsque les faits ont été commis sur internet.
En 2015 donc, certains prévenus ont été jugés pour plusieurs délits à la fois : l’apologie et, par exemple, un outrage ou des menaces de mort. Dans 118 cas cependant, l’apologie du terrorisme est l’unique infraction qui a conduit le prévenu devant le tribunal. Ce qui représente une condamnation tous les trois jours.

70 % de ces 118 condamnations sont assorties d’une peine de prison (83 cas), ferme dans 48 % des cas (57 condamnations). Lorsqu’il s’agit de prison ferme, la durée moyenne de la peine s’élève à 6,7 mois. Il faut rappeler que cette tendance judiciaire est récente.
Outre l’écrasante majorité de peines de prison, douze amendes ont été prononcées en 2015, d’un montant moyen de 691 euros, tandis que 17 personnes ont été condamnées à des peines de substitution – travail d’intérêt général, stage de citoyenneté – et cinq mineurs à des mesures et sanctions éducatives.